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Guerre fictive en Occitanie

Texte : CNE Stéphanie RIGOT

Publié le : 13/04/2023 - Mis à jour le : 13/09/2023. | pictogramme timer Temps de lecture : 5 minutes

Près de 7 000 soldats ont participé à Orion 2 fin février-début mars. Pour cette manœuvre inédite, la 11e brigade parachutiste et la 6e brigade légère blindée ont été déployées respectivement à Castres et Sète. Leur mission : s’emparer de Cahors. Pour atteindre cet objectif, elles ont progressé simultanément sur des fuseaux différents en terrain libre. Cette manœuvre a permis d’encercler la ville par le nord et le sud. Aucune chance pour l’ennemi pris au piège du rouleau compresseur Orion.

25 février, il est 16 heures à Castres. Les aéronefs français A400M, C130J et Casa se succèdent à un rythme effréné pour larguer des centaines d’hommes et des tonnes de matériel. Durant une dizaine de minutes, voiles et avions se confondent dans le ciel et vu d’en bas, tous semblent se frôler.

 

Pour beaucoup de paras, la limite de 165 kilogrammes par personne est atteinte. Un ‘‘saut de bagarre’’ comme le disent les bérets rouges. 3,2,1 : impact ! Pas de temps à perdre, les hommes récupèrent leur équipement de combat, sous le feu ennemi. Ils ont deux semaines pour atteindre leur objectif final, la ville de Cahors.

Plus au sud sur les côtes méditerranéennes à Sète, un groupement d’aide à l’engagement amphibie est déposé par hélicoptère NH90 dans la nuit du 25 au 26 février. Renforcés par les commandos de la 13e demi-brigade de Légion étrangère (13e DBLE), ils collectent du renseignement et sécurisent le port de la ville où est prévu un débarquement, le lendemain.

Dans les artères de la ville

Au petit matin, un engin de débarquement amphibie rapide apparaît dans l’obscurité. Dévoilé par les lumières des grues mobiles portuaires, l’embarcadère de la Marine nationale s’apprête à faire débarquer l’unité interarmées de plage de la 6e brigade légère blindée (6e BLB). Elle déploie un dispositif de surveillance et de coordination pour faciliter l’arrivée de la centaine de soldats et des 145 véhicules tout au long de la journée. « Nous devons nous assurer que les profondeurs et les abords de la zone de débarquement ne soient pas pollués », explique le lieutenant Maximilien, chef de plage. Plus à l’Est, sur les plages de Frontignan, sous l’œil des lève-tôt, les AMX 10RC quittent les quais pour s’engouffrer dans les artères de la ville.

Sur les abords maritimes la force installe son groupement de soutien interarmées de théâtre (GSIAT), le 3 mars. Il regroupe l’ensemble des sous-fonctions logistique permettant à la force de mener sa manœuvre : carburant, alimentation, énergie, eau, santé. Le génie apporte sa spécialité de gestion de l’eau avec ses stations de traitement de l’eau mobile (STEM) capables de produire jusqu’à 60 m3 d’eau potable issue de l’eau de mer.

Cette base logistique d’entrée en premier sur un territoire hostile joue un rôle déterminant, garantissant la réception, le regroupement et la distribution des ressources vers les zones opérationnelles de l’avant. Une fois déployé, le GSIAT mène ses premières missions de ravitaillement vers l’avant en quelques heures seulement. « À hauteur d’un convoi par jour, pour huit heures aller-retour, le rythme est soutenu mais nécessaire pour garantir le succès de la mission des troupes au contact », précise le commandant d’unité du sous-groupement logistique.

Ambiance de tranchées

Retour sur la zone de Castres. Les soldats du 17e régiment de génie parachutiste (17e RGP) réalisent des travaux d’aménagement de piste et d’abris semi-enterrés. Ambiance de tranchées pour ce souterrain de 50 à 60 m2, qui dissimule le poste de commandement du groupement tactique interarmées. Le PC enterré est rustique mais assure la discrétion et la survie de l’échelon tactique sur le terrain, à l’abri de l’œil ennemi.

Quelques mètres plus loin, les arrimeurs-largueurs du 1er régiment du train parachutiste mettent en œuvre le chantier mobile de conditionnement technique. Une tente de 8 mètres de long et d’une surface de 280 m2. « Elle abrite tout le nécessaire au conditionnement du matériel aéro-largable : paland de monte-charge, tables de pliage de parachutes lourds, tout y est », détaille le lieutenant Matthias.

Parallèlement, sous un hangar sommaire, les soldats du 3e régiment du matériel démêlent, vérifient les suspentes puis mettent en sacs les voiles des parachutistes. Deux cents parachutes sont traités en 24 heures. Ces éléments laissent présager une nouvelle opération aéroportée.

Le jeudi 2 mars, la nuit tombe lorsque le groupement commando parachutiste (GCP) s’équipe à Castres. Les informations du commandant de bord du Hercule C130J parviennent au sol. Dans les airs, les températures négatives provoquent de sérieuses gelées à haute altitude. Pas de quoi stopper ces militaires d’élite qui seront largués à plus de 3 000 mètres pour mener une infiltration sous voile de plus d’une dizaine de kilomètres sur Caylus. Vitesse d’exécution de la mission, effet de surprise, l’ennemi ne s’attendait pas à voir débarquer si rapidement les soldats du GCP.

 

 

Il faut reprendre Cahors !

Ils sont récupérés par un bataillon de l’armée locale arnlandaise de près de 180 soldats, avec lequel ils vont sécuriser la zone de la seconde opération aéroportée. Jusqu’à la reconquête de la ville de Cahors, l’une des missions du GCP est de dispenser en parallèle des instructions techniques et tactiques (combats en zone urbaine, mise en place d’embuscades) et d’accompagner au combat l’armée du pays agressé. Il s'agit du partenariat militaire opérationnel.

Mais alors qu’un groupe s’entraîne le 3 mars, une nouvelle alerte des commandos parachutistes est déclenchée. Au même moment, à Cahors, dans la nuit, équipés de leurs palmes et recycleur d’oxygène, les plongeurs de combat du génie, formés pour approcher les lignes ennemies par voie aquatique, ont investi une partie des égouts.

Le chef d’élément explique : « Notre mission est de collecter du renseignement sur les positions adversaires. Nous allons nous mettre en place en haut d’un bâtiment puis transmettre les informations aux supérieurs pour aider à la décision ». Au petit matin, alors qu’un épais brouillard recouvre les abords de la ville, les soldats de la 13e DBLE s’emparent du Mont Saint-Cyr, au sud de Cahors. Les points d’entrée de la ville sont sécurisés. L’ordre est donné : il faut reprendre Cahors !

L’ennemi pris en tenaille

Il est 7 heures du matin, lorsque les premiers coups de feu (à blanc) retentissent dans la ville. Sous l’œil intrigué des habitants, près de 500 militaires progressent en colonne dans les rues pavées du vieux centre. Au milieu des cadurciens, les parachutistes, Gurkhas britanniques et force partenaire ont pour mission de faire tomber le dernier bastion ennemi.

Les balles à blanc fusent, les fumigènes enfument les allées, les hélicoptères survolent la cité, les blindés alliés encerclent la ville, l’ennemi est pris en tenaille de part et d’autre du Lot : « Miliciens Tantale, vous êtes cernés ! Procédure à suivre : retirez le chargeur de votre arme, arme dans le dos, approchez lentement des soldats de la coalition Orion ». Diffusé en boucle sur haut-parleur mobile, ce son plonge la ville dans une réelle ambiance de guerre.

Les habitants, équipés de leur smartphone n’en perdent pas une miette, conquis de voir leurs soldats en action. Certains ouvriront même leurs portes, pour permettre aux tireurs de précision de se poster sur les balcons des immeubles. Après avoir déclenché l’échelon national d’urgence deux semaines plut tôt, parcouru plusieurs centaines de kilomètres, réalisé deux opérations aéroportées et une amphibie, et mené quatre heures d’assaut final, Orion 2023, phase 2, est terminé.

Le saviez-vous ?

Il existe deux contraintes au pliage de voile sur le terrain. Le manque d’aération automatique pour sécher les voiles et la validité du parachute qui n’est que de 15 jours contre 6 mois lorsqu’il est conditionné et stocké dans un espace à hydrométrie contrôlée.

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