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Pikne, éclair en Baltique

Texte : Capitaine Eugénie Lallement

Publié le : 12/03/2025. | pictogramme timer Temps de lecture : 8 minutes

Dans la région de Sirgala à l’est de l’Estonie, l’exercice Pikne mené sous la bannière de l’Otan, a mobilisé près de 700 militaires français. Leur mission : à la demande du partenaire estonien, contenir toute incursion ennemie en territoire ami. Pour cela, un contingent est projeté sans délais depuis la France. Il rejoint les forces de Lynx et la compagnie légère d’infanterie sur place. Une démonstration de force aux côtés des partenaires de l’Otan à quelques kilomètres seulement de la frontière russe.

Comté de Viru-Est en Estonie, à quelques kilomètres seulement de la frontière russe. Cette zone clé a connu de nombreux combats pendant la Seconde Guerre mondiale. Les températures début décembre frôlent les –5°C. Tapies dans l’ombre de la forêt de pins, des silhouettes se déplacent en silence. Les pas craquent sur le sol givré, les respirations se condensent en volutes blanches. Sur ce territoire bordé par la mer Baltique, les hommes du 3e régiment parachutiste d’infanterie de Marine (3e RPIMa) de la 11e brigade parachutiste (11e BP), participent à l’exercice Pikne, du 2 au 15 décembre.

Sous contrôle opérationnel du Commandement Terre pour l’Europe (CTE), cette manœuvre d’envergure interarmes, interarmées et interalliée mobilise près de 700 soldats français aux côtés de leurs partenaires de l’Otan. Mené en 3 phases – déploiement, opposition de forces et tirs –, Pikne déroule un scénario où l’Estonie active son plan de défense national et sollicite l’aide de la France au titre de la Nato Response Force.

Cette intervention doit permettre de gagner du temps face à une éventuelle incursion ennemie en assurant la montée en puissance de la 1re Division estonienne pour défendre le pays. Le déclenchement de l’échelon national d’urgence aéroporté (ENU TAP) avec l’envoi d’un groupement tactique interarmes troupes aéroportées (GTIA TAP), constitue une réponse rapide et décisive.

« Gagner des délais »

Projetés la veille depuis la base aérienne d’Orléans à bord d’un A400M, les marsouins parachutistes du 3e RPIMa, forment le cœur de ce GTIA TAP, incarnant cette capacité d’engagement rapide. Directement subordonné à la 1re Division estonienne, le groupement tactique a pour mission de « conduire une opération aéroportée au plus près de l’action afin de mettre en place un dispositif de sauvegarde permettant aux Estoniens de gagner des délais », explique le colonel Colomban de Poncharra, chef de corps du 3e RPIMa.

En raison de conditions météorologiques défavorables au saut, le détachement se reconfigure pour un poser d’assaut sur la base aérienne d’Amari, à l’ouest du pays. Une contrainte qui ne l’empêche pas de rejoindre sa position défensive en moins de 12 heures comme le prévoit l’alerte ENU. « L’objectif est atteint », se félicite le colonel qui peut rassurer le commandant de la division estonienne. Les soldats portent environ 40 kg d’équipement chacun, voire davantage pour les transmetteurs. Ils se sont équipés dans l’avion, une opération délicate dans un espace restreint. 

« Les vérifications de sécurité sont plus exigeantes à bord que sur le tarmac. C’est la première fois que j’appliquais ces procédures  en conditions réelles, hors de France », raconte le lieutenant Gabriel, chef de section au 3e RPIMa. À peine arrivés, les “bérets  rouges” sont recueillis par les commandos parachutistes (GCP). Ceux-ci sont infiltrés au préalable pour recueillir le GTIA et  établir la liaison avec la compagnie d’infanterie légère (CIL) – armée par le 7e bataillon de chasseurs alpins – déjà sur place. 

« Des conditions extrêmes »

Au-delà du GTIA TAP et de la CIL, la défense s’organise autour du sous-groupement tactique interarmes de la mission Lynx. Dès les premiers instants, malgré la nuit, pas de temps à perdre, il faut se coordonner et agir vite. Sur le terrain, la troupe évolue dans un environnement hostile : zones marécageuses, vestiges d’anciennes lignes de front et températures négatives mettent à l’épreuve leur rusticité et leur capacité d’adaptation. 

« Cela exige une réflexion tactique fine, adaptée à la réalité tant pour nous que pour l’adversaire, souligne le chef de corps. Ces conditions extrêmes offrent une opportunité précieuse d’entraînement. Certains soldats reviennent tout juste d’Afrique, où les conditions climatiques sont radicalement différentes. » Mais les défis ne se limitent pas au plan physique. Les menaces de cyberattaques et de brouillage électronique imposent une vigilance dans l’emploi des moyens de communication. « Les ingérences de la part du compétiteur, sans même franchir la frontière, sont nombreuses. Réalité et exercice s’entremêlent », ajoute-t-il.

De son côté, intégrée à un bataillon multinational sous commandement britannique, la force Lynx complète le dispositif défensif amorcé par les unités déjà engagées. Aux côtés des Griffon français, les Warrior et challengers britanniques renforcent les moyens estoniens depuis Tapa vers l’Est, offrant une puissance de feu décisive et une capacité de freinage. Une conjugaison des compétences pour sécuriser des zones clés comme Sirgala, où assurer une défense mobile et des obstacles de contre-mobilité, élaborés par le génie, ralentit toute progression ennemie.

Des défis sécuritaires

Pikne démontre la posture défensive et dissuasive de l’Alliance Atlantique. Il illustre la capacité de l’Otan et de la France en particulier à se projeter en urgence dans un environnement complexe et exigeant. Cet entraînement interallié mobilise des moyens militaires dans tous les milieux, combinant une coopération interarmes et interarmées. Des moyens maritimes et aériens ont été déployés : le chasseur de mines tripartite Croix du Sud et le patrouilleur de haute mer Commandant Blaison ont participé aux opérations en mer Baltique, tandis que deux A400M et un C130-J ont assuré la projection et le soutien logistique.

Le saviez-vous ?

Pikne est le dieu de la foudre dans la mythologie estonienne.

Ce dispositif global illustre l’importance de l’intégration des moyens militaires des pays membres pour renforcer la posture collective de défense de l’Otan. Enfin, Pikne s’inscrit comme une réponse tangible aux défis sécuritaires dans la région baltique, tout en affirmant la détermination de l’Alliance à préserver la stabilité et la sécurité de ses membres face à d’éventuelles menaces.

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