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Opération Barkhane : au revoir Gao

Texte : ADJ Anthony THOMAS-TROPHIME

Publié le : 12/10/2022 - Mis à jour le : 13/10/2022.

Après neuf ans de présence au Mali, le retrait des soldats du pays était annoncé en février dernier. Ce désengagement, étalé sur six mois, a nécessité le démontage et l’acheminement du matériel par voie aérienne et routière. Un défi logistique auquel TIM a participé.

Un calme inhabituel règne sur la plateforme opérationnelle désert (PFOD) de Gao. Le sifflement familier des véhicules de l’avant blindé (VAB), le claquement des ridelles des Renault GBC 180 et le vacarme des hélicoptères Tigre, Gazelle et Caïman se font plus rares. Les logements des groupements tactiques désert (GTD) et des équipes médicales avancées ont été démontés.

Sur les bastion walls, les oeuvres représentant les insignes des précédents mandats sont recouvertes d’une épaisse couche de peinture noire. Les plaques situées sous le mât des couleurs ont été enlevés. Plus loin, le dernier hangar abritant les hélicoptères a perdu sa toile et attend d’être retiré. La fermeture de la plus grande base française d’Afrique de l’Ouest touche bientôt à sa fin.

Elle s’inscrit dans la ré-articulation de la force Barkhane hors du territoire malien. Une décision prise le 17 février dernier par le président Emmanuel Macron et l'ensemble de ses partenaires, à la suite de la rupture des relations bilatérales entre la France et les autorités maliennes.

Sur 2 300 militaires, déjà plus de la moitié des effectifs ont quitté Gao pour rentrer en France. Seules les unités nécessaires au désengagement du matériel, restent sur zone. Le GTD “Monclar”, armé par la 13e demi brigade de Légion étrangère, assure la protection de la PFOD. Le GTD LOG “Via Domitia 2” composé essentiellement de détachements du 503e régiment du train et du 4e régiment du matériel, poursuit les opérations de démontage. À tour de rôle, les GTD se relaient pour sécuriser les convois routiers. « Nous sommes chargés de générer les frets et de les mettre en place sur les convois et les ponts aériens, explique le colonel Grégoire Chereau, chef de corps du GTD LOG. Cette opération doit se conduire en bon ordre, en sécurité et dans les temps impartis. »

1 600 tonnes transportées par air

Vendredi 22 juillet, 6 h 30 du matin. Un avion gros porteur se pose sur la piste de la PFOD. L’arrêt des moteurs et l’abaissement de la rampe donnent le coup d’envoi du chargement. Un à un, les porteurs se présentent devant la tranche arrière de l’aéronef. « Après la confection et la pesée des matériels, nous établissons la documentation nécessaire pour un transit réglementaire. Quant au chargement, il doit se faire sans abîmer l’aéronef », explique le sergent Gabriel, chef avion du détachement de transit interarmées aérien (Détia). En moins d’une heure, deux containers et un VAB sont mis à bord. Ils seront acheminés jusqu’à la base aérienne d’Istres.

Entre juin et juillet, 111 véhicules, 26 containers et 405 palettes, soit plus de 1 600 tonnes, ont été évacués par air. Soutien technique indispensable au déroulement des opérations, le Détia opère sur plus d’une douzaine de transits aériens par jour. « Les avions sont chargés à leur maximum. Le volume, le poids, les conditions météo et la disponibilité des vecteurs sont des contraintes que nous prenons en compte, explique l’adjudant Olivier, chef adjoint du Détia de Gao. Il faudrait des années pour assurer cette mission seulement par air. Il y a une vraie complémentarité entre les convois aériens et terrestres. » Le Détia est composé de Terriens et de militaires de l’armée de l’Air et de l’Espace.

Contexte sécuritaire instable

11 heures. Au “hub” logistique, la zone de stockage et de transit, les chariots élévateurs chargent les conteneurs sur les transporteurs civils externalisés. À 600 mètres de là, des véhicules militaires sont guidés sur les plateaux des poids lourds nigériens. Plus tard dans la soirée, ces matériels seront acheminés par convoi routier vers la base aérienne projetée de Niamey au Niger. Dans la zone vie d’un sous-groupement tactique désert (SGTD) armé par le 8e régiment de parachutistes d’infanterie de marine (8e RPIMa), les sections sont rassemblées autour de la caisse à sable.

 

 

Un à un, les chefs d’éléments déroulent chaque étape en se déplaçant le long de la RN 17, représentée par une ficelle noire. Le 34e convoi compte plus de 120 véhicules, étalés sur une quinzaine de kilomètres. Au total, plus de 450 km à parcourir pour rejoindre Niamey. « Nous devons traverser le Mali dans un contexte sécuritaire instable. La menace IED est permanente et le risque d’attaque directe des groupes armés terroristes sur nos positions de bivouac est envisageable », précise le capitaine Yann, commandant d’unité du SGTD.

Tempête de sable

22 heures. Rassemblés à la sortie “papa charlie” de la PFOD, la mise en place du convoi s’organise. À la manoeuvre, l’adjudant Christophe, indicatif “alpha”, donne ses ordres par radio pour constituer la rame. « L’opération consiste à imbriquer une trentaine de blindés parmi les 85 vecteurs civils, afin d’assurer une protection sur l’ensemble du dispositif.» Deux heures plus tard, le dernier véhicule quitte enfin la PFOD.

Après quelques kilomètres parcourus, le convoi essuie une tempête de sable. La visibilité réduite à trois mètres oblige le convoi à s’arrêter. Comme dit l’adage, c’est le terrain qui commande. Les engins tanguent sous la force du vent. Le crépitement du sable sur les carlingues métalliques résonne dans les habitacles. En quelques minutes, les impacts se font plus lourds. Sans transition, l’orage prend le relais.

À travers les pare-brise, les pilotes ne perçoivent qu’un opaque rideau de pluie. Par moments, les éclairs déchirent le ciel en dévoilant un paysage teinté de bleu. L’orage finit par perdre en intensité. La progression reprend. 5, 10, 15 km… Au petit matin, un conducteur civil s’est endormi et a fini sur le bas-côté. Son véhicule et sa cargaison menacent de basculer. À l’aide des treuils du TRM 10 000 camions lourds de dépannage et d’un porteur polyvalent lourd de dépannage, les mécaniciens parviennent à le remettre sur la route en effectuant des manoeuvres de force.

Une journée sans fin

Après avoir slalomé entre les carcasses de camions calcinés, le convoi atteint Labbezanga, ville frontalière avec le Niger après 200 kilomètres parcourus en seize heures. Une fois la zone reconnue par les éléments du génie, le bivouac tactique est installé pour la nuit. Pilotes et machines ont besoin de repos.

Dans la soirée, le capitaine Yann fait un point de situation avec les chefs d’éléments : débriefing de la journée et préparation de la deuxième partie du trajet. « Une fois au Niger, nous serons escortés en sécurité par les autorités locales. Les routes accidentées, la circulation dense dans les villes et la présence d’animaux risquent de gêner la progression. »

À l’aube, le campement se réveille et se prépare pour une seconde journée sans fin. Après prise de liaison avec les autorités nigériennes, le convoi franchit la frontière. Plus que 180 km à parcourir. C’est au tour des engins blindés d’avoir des soucis mécaniques. Le Carapace a crevé. Alpha, déjà sur place, demande les délais. « 20 minutes ! » annonce l’adjudant-chef Raynald, chef mécanicien du SGTD. Cric en place, desserrage des écrous, son équipe retire la roue de 90 kg. Il faut maintenant monter la roue de secours. Cric en place, desserrage des écrous, son équipe retire la roue de 90 kg. Il faut maintenant monter la roue de secours.

L’affaire se corse. À bout de bras les hommes essaient d’aligner la roue tout en la soulevant. Après deux tentatives infructueuses, le chef mécanicien intervient avec deux barres de fer pour faire levier. En deux trois mouvements la roue est en place. « La cassure entre la chaussée et le bas-côté rend les bords de la route tranchants. Les pilotes doivent être prudents dans leurs manoeuvres de contournement », explique l’adjudant-chef Raynald. Frein de parc en surchauffe, boîte de vitesse cassée et un carter d’huile fissuré ponctuent la journée. À 23 heures, le convoi arrive à Niamey. Changement de décor.

Après la monotonie du désert, les pilotes redoublent de vigilance dans l’effervescence de la ville. Alors que les blindés rejoignent la base aérienne projetée, les transporteurs poursuivent leur chemin jusqu’à un hub logistique. Mission accomplie. Après deux jours de rupture de charge et la remise en condition des véhicules, le SGTD et les vecteurs vides retourneront à Gao. Moins d’une dizaine de convois reste à mettre en route avant la rétrocession de la PFOD. Le chef du GTD LOG est confiant sur le respect des délais. « Plus de 75 % du fret de la PFOD de Gao ont été désengagés par voie aérienne et routière.»

Le 15 août la base a été transférée aux forces armées maliennes Une étape qui marque la fin de la présence militaire française sur ce territoire. Pour autant, les forces armées françaises et ses partenaires poursuivront leur partenariat et la lutte contre les groupes armés terroristes, en particulier au Tchad et au Niger.

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