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Les Britanniques et les Français se préparent ensemble pour Lynx

Texte : CNE Justine de RIBET

Publié le : 13/03/2023 - Mis à jour le : 15/03/2023.

Cabrit Tempest s’est déroulé du 23 au 27 janvier sur le camp britannique de Sennelager, en Allemagne. La 13e demi-brigade de la Légion étrangère et le Queen’s Royal Hussars se sont entraînés ensemble en vue de leur projection sur la mission Lynx. Un entraînement d’importance pour les soldats français qui participaient pour la première fois à un exercice de niveau groupement tactique interarmes de cette ampleur, à l’étranger .

À l’extrémité de la zone de regroupement et d’attente (ZRA), sur les terres allemandes, dans le camp britannique de Sennelager, les timides faisceaux des lampes frontales illuminent le sol, accompagnés par les phares de 2 Defenders. Des soldats britanniques et français sont rassemblés. À leurs pieds, sur une épaisse couche de neige, une caisse à sable représente le terrain. L’heure du rehearsal a sonné. Les branches font office de forêts et les rubans délimitent routes, chemins et frontières.

« C’est la dernière fois que nous sommes tous réunis alors écoutez attentivement. Nous devons nous battre ensemble pour vaincre l'ennemi et mener à bien la mission du battlegroup ». Chaque commandant d’unité (CDU) déroule son point de situation, se déplace sur la carte géante et joue son action à venir. Dans un coin, le capitaine Robin, chef du sous groupement tactique interarmes (SGTIA) et CDU de la 1re compagnie de la 13e demi-brigade de la Légion étrangère (13e DBLE) prend note. Dans quelques heures, il devra rédiger et donner ses ordres à ses chefs de section.

Demain, l’exercice de mise en condition finale (MCF), Cabrit Tempest, qui se déroule du 23 au 27 janvier, verra le jour avec les premiers rayons de soleil. Cet entraînement interallié a pour but de travailler l’interopérabilité en vue du futur engagement au profit de la force otanienne. Cabrit Tempest, c’est aussi la dernière ligne droite avant le déploiement du GTIA Lynx en Estonie qui aura lieu prochainement.

"Focus and report"

Cet exercice ressemble à s’y méprendre à une rotation, au Centre d’entraînement au combat (CENTAC) - 1er bataillon de chasseurs à pied. À une différence près : les "observateurs arbitres conseillers" parlent la langue de Shakespeare. Chaque section est accompagnée par deux contrôleurs. Pendant cette période, les unités françaises s’adapteront aux procédures et à la conduite de la manœuvre de leurs alliés britanniques tout en apportant les capacités spécifiques de l’infanterie motorisée. Cette manière de fonctionner démontre la solidarité stratégique de la France au sein de l’Alliance.

Le sous groupement tactique interarmes français, composé de la 13e demi-brigade de la Légion étrangère, du 1er régiment étranger de cavalerie, du 1er régiment étranger de génie, du 3e régiment d’artillerie de marine, est pleinement intégré au GTIA britannique. « Nous sommes engagés sous les ordres du Queen’s Royal Hussars dans la mission opérationnelle de la présence avancée renforcée pour l’opération Lynx, relate le chef de bataillon Jean-Christophe, chef de détachement au sein du centre opération britannique lors de la projection. De plus, il s’agit de la première participation de l’armée de Terre française à une évaluation de niveau GTIA sur le camp de Sennelager ».

Quelque part dans le länder de la Rhénanie du Nord-Westphalie, le silence règne sur la ZRA du groupement tactique interarmes (GTIA). Il est 6 heures et quart. Le vent souffle, les bâches des tentes claquent et la morsure du froid se fait sentir. Les Warriors et les Mastiffs côtoient les Griffon et les AMX 10RC parfaitement alignés. Les premiers rayons de soleil ne tardent pas à percer le ciel. Les soldats français et britanniques s'activent autour des véhicules. Un soldat britannique se rase dans le rétroviseur d’un véhicule, un légionnaire ajuste son SMB avant de s’équiper d’un gilet de simulation des tirs. Les tests radios viennent briser le silence. Les moteurs rugissent. Le GTIA est prêt.

Au centre opérationnel, le ton est donné aux OAC du Queen’s Royal Hussars déployés avec les sections de combat sur le terrain. L’objectif : veiller au respect des règles de sécurité, conseiller les chefs lors du déroulement de la mission et rendre compte des actions menées par les unités. Le mot d’ordre est " focus and report ". Parallèlement, sur le terrain, les véhicules britanniques et français quittent la zone et commencent à s’articuler.

Une tête de pont

Chacun connaît son rôle et la mission de la journée : le combat d’interdiction. Il faut bloquer un axe sur plusieurs kilomètres et attirer l’ennemi vers une zone boisée, terrain le plus défavorable pour les chars, afin de mener l’assaut final. Le temps étant minutieusement compté, il faut garder le tempo imposé par le lieutenant-colonel Stephen Wilson, chef de corps du Queen’s Royal Hussars, qui dirige la manœuvre depuis son char Challenger. Premier obstacle: une tête de pont doit être établie pour permettre à l’ensemble du GTIA de poursuivre sa progression.

Il est 10h34, dans moins de 15 minutes, le SGTIA doit rejoindre une position bien précise sur le fuseau Ouest. Deux options s’offrent à lui : attendre la reconnaissance du génie du GTIA ou envoyer ses propres éléments. Le capitaine Robin n’hésite pas une seconde. Quelques instants plus tard, la radio du CDU crache : « 70, RAS pour le franchissement ». Le sous-groupement tactique interarmes s’élance et gagne un temps précieux. « Nous avons montré à nos alliés notre force pour faire face à un obstacle, c’est-à-dire la rapidité, la mobilité et l’autonomie, assure le capitaine Robin. Nous ne travaillons pas de la même façon mais nous pouvons apporter des solutions.»

Quelques kilomètres plus loin, 8 véhicules, moteurs allumés, forment un carré. Au centre, le poste de commandement du GTIA. Autour d’une table, les Britanniques et les Français échangent, suivent la progression de l’ennemi, équipé lui aussi d’engins blindés, et analysent les prochaines décisions à prendre. Les données des SGTIA remontent en temps réel. L’information entre les 2 nations circule malgré les différents systèmes de communication utilisés.

D’ici, l’action du chef du SGTIA n’est pas passée inaperçue. « Les Britanniques ont été agréablement surpris par la décision. Ils n’ont pas eu le temps de donner l’ordre à leur unité du génie. Il faut savoir que leurs unités de combat ne sont pas constituées en interarmes comme chez nous. C’est une de nos particularités, explique le chef de bataillon Jean-Christophe. C’est à partir de ce moment qu’ils ont compris comment utiliser à leur profit les unités françaises. »

Le saviez-vous ?

L’armée de Terre déploie pour la première fois le Griffon en Estonie pour la mission Lynx. En revanche, il s’agit de la deuxième projection pour les véhicules Scorpion en opération extérieure. En 2021, les Griffon avaient été déployés au Sahel.

"Faire face"

Tout au long de l’entraînement, le SGTIA Lynx a balayé tout le spectre des missions de l’infanterie. Malgré la barrière de la langue, cet exercice a permis la mise en place de procédures solides entre les armées britannique et française. Par exemple, pour faciliter la circulation d’information et la diffusion des ordres, un officier de liaison anglais était binômé avec le chef du SGTIA. Il était le lien direct entre le poste de commandement GTIA et le capitaine Robin. Une relation de confiance s’est également instaurée entre les deux nations de l’Alliance.

Pour le colonel Thomas Riou, chef de corps de la 13e DBLE : « Cet exercice est indispensable ». Trois objectifs avaient été fixés avant le départ en MCF : consolider son niveau opérationnel, s’imprégner du fonctionnement du battlegroup et faire connaissance avec les militaires et le matériel du Queen’s Royal Hussars. « Le SGTIA a été mis en tête dès le départ et ils y sont restés ! Nous avons la preuve que non seulement, la compagnie a fait bonne impression, mais en plus, nous sommes témoins d’une véritable coordination humaine. »

Cette manœuvre, c’est aussi revenir sur des fondamentaux. Le chef de corps de la 13e DBLE conclut : « Ce qui fait le succès du combat c’est cette richesse humaine, notre capacité à faire face, à dialoguer et à se coordonner ».

Le saviez-vous ?

En juillet 2016, les nations alliées de l’Otan ont décidé de renforcer la posture de dissuasion et de défense de l’Alliance face au nouvel environnement de sécurité. En 2017, la présence avancée renforcée (enhanced Forward Presence–eFP) voit le jour. Des contingents militaires sont déployés temporairement dans les pays baltes et en Pologne.

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