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Le GAEA se jette à l’eau

Texte : Romain LESOURD

Publié le : 15/06/2023 - Mis à jour le : 07/08/2023.

À Angers, des soldats de la 9e brigade d’infanterie de Marine ont participé à une formation mise en place par les plongeurs de combat du 6e régiment du génie, du 24 au 27 avril. La rencontre a permis d’appréhender les techniques de base du combat fluvial. Une première ! Le but : initier la montée en puissance des équipiers du groupement d'aide à l'engagement amphibie dans le domaine des techniques de changement de milieu aquatique.

25 avril. Il est 9h50 à l’École des ponts de la Maine, à Angers. Devant des bateaux pneumatiques repliés, les stagiaires concentrés attendent les instructions pour leur deuxième journée de formation : « Ce matin, vous allez apprendre à gonfler et dégonfler un Futura®. Puis, vous allez vivre votre premier changement de milieu », annonce le caporal-chef Gwenaël, plongeur de combat (PCG) au 6e régiment du génie (6e RG). Face à lui, neuf militaires du groupement d’aide à l’engagement amphibie (GAEA).

Pendant quatre jours, les équipiers apprennent les fondamentaux du combat fluvial. Changement de tenue, entrée dans l’eau de manière furtive, traversées de plusieurs kilomètres… tout un programme. C’est la première fois que des engagés issus d’un groupement autre que les plongeurs vont acquérir des compétences propres aux PCG. Une coopération qui prépare les militaires du GAEA à être autonomes en milieu aquatique, à deux mois de leur déploiement sur Unitas.

Créé en 2014, le GAEA de la 9e brigade d’infanterie de Marine (9e BIMa) est constitué d’unités spécialisés issues de chacun de ses régiments, comme le peloton de reconnaissance spécialisé du 1er régiment d’infanterie de marine ou encore les plongeurs de combat du génie, la section de fouille opérationnelle du 6e RG et la section légère d’appui spécialisé du 11e régiment d’artillerie de Marine. Ces groupements interarmes de circonstance avec celui de la 6e BLB sont les seules unités de l’armée de Terre capables d’appuyer les forces débarquées.

Pour cela, ils sont déployés par la mer, pour ensuite rejoindre la terre en toute discrétion et remplir leurs objectifs. Ces unités d’aide à l’engagement devront utiliser des vecteurs très divers, dont le Futura® qui leur est présenté lors de ce stage. À Angers, l’équipe le découvre avec curiosité. Les regards intrigués parcourent le corps de l'embarcation. Se saisissant des valves et se positionnant à chaque extrémité, les membres du GAEA procèdent au gonflement. La manœuvre achevée, le caporal-chef Gwenaël revient sur l’importance du faible effectif du bateau, limité à 10 passagers (dans l’idéal 4 à 6), pour garder un bon dynamisme de déplacement au bateau et à ses occupants. Ses conseils sont précieux.

« La furtivité est votre alliée »

La température de l’eau affiche à peine dix degrés. Après avoir découvert leur monture, les stagiaires accompagnés de la brise du printemps, se rendent vers la rive et revêtent leurs nouveaux uniformes : les tenues amphibies. De couleur sombre, elles sont faites à base de néoprène. Un excellent isolant thermique qui garde le corps à bonne température dans l’eau.

Passer du treillis à la combinaison en caoutchouc synthétique n’est pas chose facile. Il faut être patient car la matière colle à la peau, mais il faut surtout faire preuve d’une discrétion absolue : « Lors d’une mission, nous ne devons émettre aucun bruit lorsque nous nous changeons. La furtivité est votre meilleure alliée », rappelle le sergent-chef Dylan, plongeur de combat au sein du 6e RG.

Les PCG de cette unité sont des experts de “l’infiltration humide”. Ils travaillent leurs compétences à longueur d’année et dans n’importe quelles circonstances : du froid glacial de Norvège jusqu’à la chaleur accablante guyanaise. Suivi par les stagiaires désormais en tenue de plongeur, le sergent-chef se dirige vers le bord de l’eau. Les palmes immergées, il donne ses directives : « Chacun votre tour, vous allez entrer en binôme. Deux d’entre vous vont former la porte d’entrée, afin que les autres puissent suivre ».

La formation d’un binôme, pour ce type de manœuvre est primordiale. Il permet aux soldats de garder un contact visuel entre eux mais également de se défendre mutuellement. Les voilà partis pour une petite traversée, pour se familiariser avec leur nouvel environnement et équipement.

Physique, technique et endurant

En début d’après-midi, l’équipe se rend à la carrière des Frênaies située à Trélazé, dans la couronne angevine. Cette ancienne carrière d’extraction d’ardoise d’une profondeur de vingt-huit mètres, devenue désormais un site aménagé pour la plongée, sera le lieu de baptême des stagiaires. À l’abri des regards et accompagnés par le murmure du vent, ils apprennent la technique de palmage en toute discrétion pour la première fois. Si au cours de la matinée, ils apprivoisaient la technique, ce temps est révolu. Ils doivent maintenant adopter la nage des plongeurs de combat.

Parmi eux, le soldat de première classe du 1er RIMa, Félix, revêt sa combinaison pour la deuxième fois de la journée. Accompagné de ses camarades, il entre dans l’eau fraîche mais cristalline et entame deux tours de carrière. Le palmage est physique, technique et nécessitant de l’endurance, peut être effectué sur le ventre ou le dos. Mais là encore, la furtivité est le mot d’ordre : les palmes ne doivent pas sortir de l’eau lors de la poussée. Une fois le parcours achevé, la journée de Félix est enfin terminée, non sans quelques difficultés : « Aujourd’hui, nous avons acquis de nouvelles compétences qui nécessitent du savoir-faire. Au début, nous avons eu un peu de mal à les assimiler ».

« La bonne cohésion du groupe et sa détermination permettent aux initiés de progresser rapidement » affirme le lieutenant Julien, chef de section des PCG. Mais le temps n’est pas au repos. À la nuit tombée, les soldats doivent passer un exercice de synthèse. Ce test est l’occasion pour les stagiaires du GAEA de connaître une situation d’immersion fluviale en réel, mais aussi de pouvoir restituer ce qu’ils ont appris.

Compter les uns sur les autres

Il est 21h30. Dans un coin reculé, parmi les ronces et les orties, deux groupes se distinguent malgré l’obscurité. L’un couvre celui qui se change sous l’oreille attentive de l’équipe instructrice, puis ils permutent. Le sac sur les épaules, ils entrent dans l’eau glacée. Ils doivent désormais palmer sur une distance de deux kilomètres pour rejoindre une autre rive. Là-bas, ils feront leur troisième changement de milieu. Quelques minutes après le départ du GAEA, le lieutenant Julien monte dans un zodiac pour suivre le bon déroulement de l’exercice. Les seuls bruits que l’officier perçoit sont les coassements des grenouilles et le ronronnement de son embarcation.

La nuit sombre l’oblige à utiliser sa lampe de poche pour voir les soldats, qui se suivent tout en progressant en binôme. Ne disposant pas de lunettes de vision nocturne, ils doivent compter les uns sur les autres pour ne pas perdre le chemin : « Je veux travailler les fondamentaux au cours de ce stage. La technique, la discrétion et le collectif », chuchote le lieutenant. Le bon déroulement d’une immersion ne se résume pas aux actions à l’instant présent. Les plongeurs doivent préparer minutieusement leur mission. Étude cartographique du terrain, étude du débit du courant, des régions aux alentours… les préparatifs peuvent durer plus de six heures.

Une fois arrivés à bon port, les soldats se changent pour la sixième fois de la journée. Les fondamentaux sont désormais acquis : « Ça se fait instinctivement », rapporte le sergent Yohann du 11e RAMa. Ils sont prêts à recommencer. Mais pas cette nuit, le repos est plus que mérité.

Renforcer la capacité amphibie

Pour le dernier jour de la première semaine de formation, le GAEA doit refaire une immersion. Mais cette fois-ci, sous l’œil avisé du colonel Louis-Edouard Geay, chef de corps du 6e RG. Il est 5h et quart du matin, les stagiaires descendent de manière furtive de leur Futura et se dirigent vers la berge. Dans un brouillard des plus épais, les automatismes appris lors de la semaine se perçoivent clairement.

Une fois à terre, les groupes se forment. Certains surveillent les alentours à 360 degrés pendant que les autres revêtent le treillis. Ceinture de combat ajustée, l’infiltration est accomplie. Un succès qui rend optimiste le colonel : « Cette formation contribue à renforcer la maîtrise de l’armée de Terre dans le milieu aquatique. Il faut rééditer ce type d’instruction ».

Du côté du GAEA, la découverte de ce nouveau type d’intervention est reçue comme l’opportunité d’améliorer les connaissances : « Travailler en collaboration avec ceux qui maîtrisent l’immersion furtive nous apporte une plus-value sur la capacité amphibie de notre groupement » confirme le sergent Victor du 1er RIMa. Une semaine à la fois instructive, mais qui permet aussi de revenir sur les fondamentaux, à savoir la coordination et le dépassement de soi pour partir en terre inconnue. 

Le saviez-vous ?

Le GAEA de la 9e BIMa a été engagé au sein du premier mandat Falco, la composante de commando de Barkhane, en décembre 2020.

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