Partager l'article

La mission "recrutement fleuve" du RSMA de Guyane

Texte : CNE Eugénie LALLEMENT

Publié le : 12/09/2022.

Un détachement du régiment du service militaire adapté de Saint-Jean du Maroni en Guyane a effectué une mission “fleuve” du 9 au 13 mai, au cœur des villages reculés. Les militaires sont allés à la rencontre des jeunes en décrochage scolaire et éloignés du marché de l’emploi. Une démarche humaine avant tout.

À l’ouest du parc amazonien de Guyane, la saison des pluies bat son plein, en ce mois de mai. Une pirogue s’élance sur le fleuve Maroni. Renaud mène l’embarcation avec assurance, le regard fixé à l’horizon. D’origine amérindienne, il connaît par cœur le cours d’eau qui trace d’une ligne invisible la frontière entre le territoire français et le Suriname. Casquettes et chapeaux de brousse vissés sur la tête, ses passagers appartiennent au régiment du service militaire adapté (RSMA).

Leur mission n’est pas de lutter contre l’orpaillage illégal, même si elle y participe indirectement ; elle est toute autre : partir à la rencontre des jeunes Amérindiens et Bushinengués pour leur proposer un engagement au régiment, notamment dans la filière multi-techniques. Appelées “missions fleuve”, ces rotations d’une semaine vers les communes de l’intérieur s’effectuent en moyenne une fois tous les trois mois. Les formations proposées par l’unité s’adressent uniquement aux jeunes de 18 à 25 ans.

Sortis du système scolaire avec ou sans diplôme ou sans expérience professionnelle, tous sont éloignés du marché de l’emploi. L’adjudant Mikaël, chef de la cellule recrutement de Saint-Jean du Maroni, est à la tête du détachement. Trois cadres l’accompagnent. « C’est une vraie mission de terrain, pour toucher cette population, il faut aller à sa rencontre, connaître ses traditions, sa façon de vivre », témoigne-t-il. La pirogue est le seul moyen de transport pour accéder aux habitations isolées établies sur les rives du fleuve Maroni et de la rivière Tampok.

« Le bouche-à-oreille fonctionne bien »

Le premier village visité, Pédima, est le plus reculé. Deux heures de navigation sont nécessaires pour l’atteindre depuis Maripasoula. Seuls quelques piroguiers aguerris comme Renaud s’y aventurent, car les rapides sont nombreux sur le trajet. La présence de jeunes est toujours incertaine : « Ils se déplacent souvent entre villages, détaille Mikaël, nous annonçons notre venue en amont, mais rien ne garantit de les trouver sur place ». Les antennes de Pôle emploi, les mairies et le parc amazonien de Guyane, restent les principaux contacts pour les atteindre.
 

« Le bouche-à-oreille fonctionne bien », admet-il. Avec son équipe, il déambule au milieu des carbets pour identifier tous ceux qui correspondent au profil. « Personne n’est laissé de côté », assure-t-il. Avec de la patience et de l’écoute, les langues se délient. La présence de Franceska dans le détachement, volontaire technicienne, facilite les échanges. Native de Taluen, elle est un exemple de réussite pour ses pairs. Elle rassure un adolescent croisé au village : « Regarde-moi, je porte le treillis et je m’en sors bien ».

 

Ce partage d’expérience est précieux pour la Guyane, qui fait face à un triste constat. Confrontés au choc des cultures, entre monde moderne et tradition familiale, les jeunes traversent une crise identitaire. L’insécurité, l’échec scolaire et le chômage renforcent le sentiment d’incertitude et de mal-être. « Un jour une fille a pleuré en nous voyant arriver, tant elle voulait s’engager, se rappelle l’adjudant. Beaucoup reviennent nous voir pour nous dire qu’on leur a sauvé la vie. » Poussés par les proches, les amis ou de leur propre initiative, ils se tournent vers le RSMA qui leur ouvre de nouveaux horizons.

Se rendre disponible et à l’écoute

Sur le chemin, le groupe rencontre Jasmina. Elle souhaite rejoindre le régiment à sa majorité, l’an prochain. Attentive aux explications données par le recruteur, son regard est pourtant fuyant, mais le contact est établi. L’échange se conclut par un remerciement timide mais sincère de la jeune fille. « Une fois cette première entrevue, nous les relançons régulièrement par message et les accompagnons dans leur parcours », souligne Mikaël.

Insuffler l’espoir, se rendre disponible et être à l’écoute, des qualités qu’ont su développer les militaires au cours de leur carrière : « Nous avons l’habitude de côtoyer différentes populations et ethnies lors des opérations extérieures », ajoute-t-il. La tournée se poursuit à Antecume-Pata, où une dizaine d’enfants en pagne traditionnel jouent dehors. Repéré lors d’une précédente visite, un des garçons a récupéré les pièces manquantes nécessaires à la constitution de son dossier. « Voilà l’exemple d’un jeune qui s’est donné les moyens ! », se félicite l’adjudant.

Les démarches sont souvent longues pour obtenir des documents officiels. Certains n’ont pas leur carte d’identité nationale. « Nous avons un rôle de facilitateur pour faire avancer les choses de notre côté, mais ils doivent aussi se prendre en main. Ils sont les acteurs de leur avenir », assure-t-il. En moyenne, 10 profils sont retenus pour la filière multi-techniques du côté de Saint-Jean du Maroni pour 18 places disponibles par an. « Évidemment s’ils sont plus nombreux, nous les acceptons quand même », précise-t-il.

« La mission porte ses fruits »

D’autres villages, comme Taluen, Twenke, Élahé et Kayodé ont accueilli la mission “fleuve”. À Maripasoula, dernière étape avant le retour, 4 Bushinengués attendent les cadres à leur arrivée. Leur présence des derniers jours a été remarquée. « Ce sont eux qui viennent à nous désormais. Comme quoi, la mission porte ses fruits », atteste Mikaël. L’adjudant Kissima est chef de section au RSMA de Saint-Jean du Maroni.

Parmi les jeunes présents, il reconnaît l’une de ses recrues. Le jeune garçon, d’environ 19 ans, a ramené 3 membres de sa famille pour constituer leurs dossiers.Grâce à sa formation, il a trouvé du travail. Il veut inciter ses proches à faire de même. « Nous prospectons aussi pour trouver des employeurs à nos volontaires car nous croyons en leur potentiel », explique le sous-officier. Quel que soit le poste occupé, chacun est un ambassadeur du RSMA. Les partenaires aussi sont essentiels.

Véritable gage pour l’entreprise, un certificat d’aptitude personnelle à l’insertion est délivré à la fin de chaque formation (il en existe 23 au total). Celui-ci garantit des compétences dans un ou plusieurs domaines et un dossier administratif complet. Pour ceux retenus, la filière multi-techniques débutera le 3 août. Cette nouvelle vie qui commence leur donnera les clés pour s’insérer durablement dans le monde professionnel.

Le saviez-vous ?

Plus de 78 % de jeunes se sont insérés dans le marché de l’emploi à la sortie du SMA de Guyane en 2021.

À lire aussi

L'école militaire de haute montagne de Chamonix accueille les jeunes candidats venus passer les tests d'admission.

24 heures avec

La 53e compagnie spécialisée de réserve, experte en voie ferrée, a achevé en avril la construction d’une gare à Biscarrosse.

À l'entraînement