Partager l'article

En Inde avec l'exercice Shakti

Texte : ADC Anthony THOMAS-TROPHIME

Publié le : 13/09/2024. | pictogramme timer Temps de lecture : 10 minutes

Un détachement français armé par la 6e brigade légère blindée a participé à la septième édition de Shakti. Accueilli par le 22nd Rajput Infantry battalion au Nord-Est de l’Inde, les légionnaires se sont entraînés avec leurs homologues dans un environnement exigeant. Cet exercice fait partie du partenariat stratégique entre la France et l’Inde, dont les unités sont déployées au sein des mêmes opérations de maintien de la paix des Nations unies, notamment au sein de la Force intérimaire des Nations unies au Liban.

« En position ! » Sur le pas de tir Long Range, les tireurs de la 13e demi-brigade de Légion étrangère (13e DBLE) se plaquent au sol. Leur fusils d’assaut HK 416 sont pointés en direction des cibles, à travers un large couloir bordé d’arbres. Vu d’en haut, le parcours qui les attend s’apparente à un terrain de golf. « Stade 2 ! » Le claquement métallique des chargeurs et des culasses indique que les armes sont approvisionnées et chargées. « Feu ! » 

Les fronts perlés de sueur et les treillis collés à la peau, les légionnaires délivrent les feux sur 300 mètres, jusqu’au pied des cibles, en quelques minutes. Mi-mai, une chaleur moite pèse sur les soldats, tout juste acclimatés. Loin de leur garnison dans le Larzac, ils participent à la septième édition de l’exercice Shakti, dans le Nord-Est de l’Inde. Le détachement français a été accueilli par le 22 nd Rajput Infantry battalion, du 10 au 27 mai, sur le camp militaire d’Umroi, à 900 mètres d’altitude, dans la région Meghalaya dite “la demeure des nuages”. 

Ce rendez-vous s’inscrit dans le partenariat stratégique initié il y a vingt-sept ans par l’Inde et la France, reposant sur une vision partagée des enjeux en Indopacifique. Les deux nations veulent œuvrer à la stabilité de cette zone stratégique, nouvel épicentre des relations commerciales, diplomatiques et militaires de la planète.

 « Shakti permet à la fois de tisser des liens entre nos armées tout en travaillant leur interopérabilité. Il est aussi une préparation opérationnelle pour les légionnaires, bientôt déployés en Guyane », confirme le colonel Thomas Riou, chef de corps de la 13e DBLE. Pour cette édition, l’ambition est élevée comme en atteste le déploiement d’un effectif plus conséquent : trois sections d’infanterie de la 13e DBLE, renforcées par une équipe d’observateurs du 3e régiment d’artillerie de Marine et de spécialistes de la 6e brigade légère blindée.

Choc des cultures

Chaque matin, les militaires des deux nations se retrouvent sur la place d’armes. Ils débutent la journée par une séance de course à pied, de renforcement musculaire ou encore de combat au corps à corps. Mercredi 17 mai, une activité plus zen les attend. Pieds nus sur des tapis de sol, tous font face à un maître yogi vêtu de blanc.

Le chant des oiseaux, la musique relaxante et les effluves d’encens transportent les soldats dans une bulle de sérénité. Durant une heure, chacun s’adonne à des exercices de respiration, dans diverses postures. Certains trouvent très vite les limites de leur équilibre et de leur souplesse. À l’instar du yoga, les légionnaires découvrent les us et coutumes de la culture indienne

Les deux armées ont chacune des doctrines et des contrats opérationnels différents. Les deux armées ont chacune des doctrines et des contrats opérationnels différents. Shakti leur permet de confronter leurs procédures dans plusieurs domaines : réaction à une embuscade, tenue d’un check point, bouclage de zone, réaction à une attaque terroriste, combat au corps à corps, franchissement vertical ou encore survie en jungle et séances de tir.

Dans le volet commandement, deux états-majors indiens ont été renforcés par les personnels de la 6e BLB pour élever le degré d’interopérabilité, avec un travail sur le partage des méthodes d’élaboration et de conception de manœuvre des opérations. Le choc des cultures s’invite aussi dans le quotidien des “bérets verts” comme par exemple, le hochement de tête approbatif version hindou, l’immanquable tea time, sans oublier les plats aux saveurs épicées.

C’est comme à la Légion étrangère

Un hameau niché non loin de l’aéroport de Shillong s’anime doucement dans la fraîcheur matinale. Les deux derniers jours de l’exercice sont consacrés au rallye final. Alors que le soleil perce peu à peu les derniers nuages, survient au loin l’hélicoptère indien MI-17. Il s’approche de la zone pour finir en vol stationnaire. En quelque En quelques secondes, une dizaine de soldats s’extirpent de l’arrière de l’aéronef, en glissant le long de deux cordes lisses.

Au sol, ils sont recueillis par la section de reconnaissance et de renseignement immédiat (SRRI) de la 13e DBLE et la section d’assaut du 22nd Rajput. Ensemble, ils investissent les habitations occupées par des terroristes armés. En appui du groupe d’assaut, le sergent-chef Adam de la SRRI reste en observation avec son binôme hindou. Il souligne l’hospitalité sans limites de son hôte.

Posté contre un muret, un fantassin du 22nd Rajput déploie un micro-drone Black Hornet pour localiser l’ennemi avant l’action. Quelques minutes plus tard, les premiers coups de feu retentissent. L’attaque, soudaine et fulgurante, surprend l’ennemi sous le regard amusé des habitants des lieux. La poche de résistance s’amenuise au fur et à mesure que les soldats reconnaissent les bâtiments. Quant au dernier belligérant, il est capturé, fouillé et exfiltré pour être ensuite interrogé.

« Notre volonté est commune »

Le soir même, sur le camp d’Umroi, le rallye se poursuit avec un autre exercice. 23h30, un détachement mixte installe un checkpoint sur une route, longeant une colline. D’après les renseignements recueillis, des terroristes sont susceptibles de passer par là. « Véhicule ! » alerte l’élément de tête. Au loin, un faisceau de lumière balaye la végétation. Surpris, le conducteur tombe nez à nez avec les militaires à la sortie du virage.

Acculée, la voiture s’immobilise et trois personnes armées s’en extirpent en ouvrant le feu. La riposte est immédiate, ne laissant aucune chance aux assaillants. Appuyés par les légionnaires, les fantassins indiens procèdent ensuite à la fouille du véhicule et des personnes neutralisées. La tension retombe. Chacun retourne à son poste. Pour eux, la nuit ne fait que commencer.

Aux premières lueurs de l’aube, cette même section embarque à bord de l’hélicoptère indien pour rejoindre une autre position. Une fois déployée par aérocordage, elle doit mener une offensive sur un village. Sous un soleil de plomb, le stick d’assaut franco-indien profite du masque offert par les buissons pour neutraliser l’ennemi.

En fin d’action, un IED explose à proximité. « Homme à terre ! Homme à terre! Pick and run ! » Aussitôt, deux soldats saisissent le blessé pour le mettre à l’abri et lui prodiguer les premiers soins. Pose de garrot, morphine, message sanitaire, assisté des auxiliaires de santé, le médecin principal Marie-Solène et son homologue indien prennent le relais pour stabiliser la victime avant son évacuation.

L’exercice touche à sa fin. Face aux hautes autorités militaires françaises et indiennes, venues assister au rallye final, les chefs de détachement et les référents de chaque domaine exposent, un à un, leur expérience vécue au cours des deux dernières semaines. Tous sont unanimes sur le bilan positif de Shakti.

La prochaine édition, qui aura en principe lieu en France, est déjà à l’étude par la 6e BLB. Avec la sectorisation, cette brigade, pour la majorité de ses engagements opérationnels, est tournée vers l’Indopacifique. Elle appréhende cette zone en développant ses connaissances sur ses partenaires comme ses compétiteurs.

À lire aussi

L'école militaire de haute montagne de Chamonix accueille les jeunes candidats venus passer les tests d'admission.

24 heures avec

La 53e compagnie spécialisée de réserve, experte en voie ferrée, a achevé en avril la construction d’une gare à Biscarrosse.

À l'entraînement