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Exercice Dhiab al Jabal

En cordée avec les loups de la montagne

Texte : ADJ Anthony THOMAS-TROPHIME

Publié le : 17/05/2022 - Mis à jour le : 09/07/2022.

L'exercice Dhiab Al Jabal vise à renforcer les compétences techniques et tactiques des Emiriens pour le combat en montagne, tout en offrant aux chasseurs de la 27e brigade d'infanterie de montagne un environnement propice à leur préparation opérationnelle. Du 23 octobre au 14 novembre des soldats du 27e bataillon de chasseurs alpins et du 11e bataillon d'infanterie de montagne émirien se sont ainsi entraînés ensemble dans les massifs arides des Emirats arabes unis.

Casques vissés sur la tête, baudriers sur les hanches, sacs et armes dans le dos, les “Loups” du 11e bataillon de montagne émirien franchissent un obstacle sur les pentes abruptes de Manamah au nord-est de Dubaï. Il est cinq heures du matin, l’obscurité et la roche friable rendent les prises et les appuis hésitants. Seuls les cliquetis des longes sur les cordes et les craquements légers sous les pas donnent le tempo de l’infiltration des soldats. Plus haut sur le plateau, les chasseurs de la 4e compagnie du 27e bataillon de chasseurs alpins (27e BCA), partis en premier échelon en sécurisation du débouché, les recueillent.

Une fois réunis, après une brève réarticulation de cette compagnie mixte, débute une reconnaissance dans la profondeur de cette vallée-plateau. En appui mutuel, depuis les contre-pentes et points hauts dominants, ils atteignent et s’emparent finalement de l’objectif, un plot logistique ennemi. Cette manœuvre fait partie de l’exercice Dhiab Al Jabal 2 qui s’est déroulé du 23 octobre au 13 novembre et qui s’inscrit dans le partenariat stratégique liant la France et les Émirats arabes unis (EAU). C’est à ce titre que l’expertise du combat en montagne de la 27e brigade d’infanterie de montagne a été sollicitée afin de former le 11e bataillon, créé il y a seulement trois ans. 

Les corps et les cordes à rude épreuve

Attentif, le capitaine Jérôme, chef du bureau sécurité montagne du 27e BCA, scrute la moindre erreur. « La première semaine, nous avons transmis aux soldats émiriens les bases en école d’escalade. Ils maîtrisent déjà les techniques pour s’encorder, progresser en via ferrata et descendre en rappel », explique l’expert. Les spécialistes français n’en sont pas à leur coup d’essai. Reconnus sur la scène internationale, ils ont participé à d’autres formations au profit d’armées partenaires (comme en Jordanie ou au Liban). Wadis, reliefs arides, températures proches des 40°C, ces conditions sont similaires à celles des théâtres d’opérations extérieures comme l’Afghanistan ou le Mali.

« Aux EAU, le sable, la chaleur et la roche abrasive mettent les corps et les cordes à rude épreuve. La prudence est de mise », précise le capitaine. Le détachement français a profité d’un cadre exceptionnel offert par son partenaire. D’abord par son environnement, avec ses parcours de tirs, son village de combat et ses nombreux terrains d’entraînement, mais aussi par ses équipements et les moyens mis à disposition, notamment transmissions, hélicoptères (Blackhawk, Chinook) et véhicules blindés...

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Pour cette deuxième édition de Dhiab Al Jabal, l’état-major tactique du bataillon a choisi de “binômer” les sections françaises et émiriennes et de “mixer” les deux compagnies. Quant au programme, il est dense et ambitieux : parcours de tirs dynamiques en milieu montagneux, de niveau section à compagnie, en munitions réelles (incluant missiles Milan et Eryx), exercices de niveau compagnie puis bataillon de combat en montagne, ateliers de secourisme au combat.

« En cordée avec nos camarades, notre objectif est d’augmenter le niveau technique et tactique. Au fil des semaines, nous progressons (combat de niveau groupe puis section, et surtout compagnie) pour finalement évoluer au sein d’un groupement tactique montagne mixte lors de l’exercice de synthèse. C’est une première pour ce bataillon », explique le lieutenant-colonel Stéphane, adjoint du bureau opérations et instruction du 27e BCA et responsable de la conduite de l’exercice. La synthèse de tirs de niveau compagnie clôture la deuxième semaine de l’exercice. Trois sections françaises et une section émirienne progressent simultanément sur un parcours à balles réelles.

Postés sur le sol brûlant

Truffé de cibles, celui-ci longe un wadi, sur 800 mètres. Par bonds successifs, tenant les hauts pour mieux investir les bas, chaque section s’appuie mutuellement, en respectant les reports de tirs. La coordination doit être sans faille. Les rafales des mitrailleuses et des MAG 58 accompagnent celles des fusils d’assaut HK 416 et des coups des fusils de précision FR12,7. Un concert à ciel ouvert. Si sur les hauteurs, les tirs sont de moyenne à longue distance, dans le wadi c’est tout autre chose. Apparenté à une rue, ce couloir de roches regorge d’une multitude d’angles morts et d’intersections. Les chasseurs de la 3e section, sont en combat rapproché. Le soleil, bien que matinal, écrase déjà la moindre parcelle. Postés sur le sol brûlant, les tireurs ont le front perlé de sueur. Pour couvrir le vacarme des coups de feu, ils s’égosillent afin de transmettre leurs comptes rendus, après chaque cible détectée ou traitée.

Dernier exercice de synthèse

« Dhiab Al Jabal est une opportunité pour nous consacrer pleinement à notre préparation, souligne le capitaine Stéphane, commandant d’unité de la 4e compagnie. Cet exercice de tirs permet aussi aux chefs de section et aux chefs de groupe de travailler leurs cadres d’ordres. C’est une occasion pour eux de mieux connaître leurs subordonnés. » Le groupement commando de montagne n’est pas en reste. Les équipiers ont réalisé des exercices aérocordés depuis les hélicoptères Blackhawk et du combat en zone urbaine dans le village de combat comme en montagne, y adaptant notamment leurs procédés d’infiltration. Ils ont également conduit une expérimentation de quads SSV (Side by Side Vehicule) émiriens. Contrairement au quad traditionnel, cet engin est doté d’un volant, de benne avant et arrière et les sièges conducteurs et passagers sont côte à côte. Dunes de sable, pentes rocheuses, ses capacités de franchissement hors normes ont séduit les commandos de montagne.

Les détonations ricochent

Dernière semaine, le 27e BCA organise un ultime exercice de synthèse, de niveau groupement tactique interarmes. Il rassemble un détachement de deux compagnies mixtes des deux bataillons, une équipe d’observation et de coordination du 5e régiment de cuirassiers, une équipe JTAC et une équipe de la compagnie de transmissions de la brigade émirienne avec à sa tête un poste de commandement mixte. Il est 5 h 45 du matin, le ciel étoilé s’efface aux premières lueurs de l’aube. Provenant du wadi Naqab, dans le massif du Jebel Jaïs, la brise souffle ses dernières fraîcheurs sur les murs de pierre. Le village de Deira Al Sadi semble toujours endormi. Les fusils d’assaut M4 illuminent la crête nord.

 

 

Les détonations ricochent sur les pentes rocheuses. Les “Loups” du 11e bataillon tirent sur une patrouille légère d’observation. Surprise, celle-ci essaie de riposter mais succombe aussitôt. Au même moment, les chasseurs de la 4e compagnie montent à l’assaut du village. La veille, ils se sont infiltrés, durant la nuit, par un wadi asséché sur plus de quatre kilomètres et huit cents mètres de dénivelé positif. Fulgurante et coordonnée, l’attaque ne laisse aucune chance à l’ennemi. La fabrique d’engins explosifs improvisés et le plot logistique sont saisis. « Les gars ! Notre mission est de reconnaître la maison du leader ennemi. Donnez-moi vos consommations de munitions », ordonne le sergent Nicolas, chef de groupe de la première section.

Bilan prometteur

Les chasseurs progressent rapidement dans les étroites ruelles en profitant des masques opaques des fumigènes. « Faites bien vos ouvertures d’angles ! » s’exclame le jeune chef. Une fois arrivés aux abords de l’objectif, ils essuient des tirs provenant de l’arrière de la bâtisse. L’élément de tête riposte et fixe l’assaillant pour laisser le temps à l’autre équipe de le prendre à revers. La tactique est bien huilée. « Ennemi neutralisé ! » annonce le sergent à la radio. Quelques minutes plus tard, le village est ratissé puis sécurisé. La pression redescend. Pour le lieutenant-colonel Stéphane, en infiltration de nuit avec le poste de commandement tactique accompagnant la compagnie à dominante émirienne, le bilan est prometteur. « Ils ont su mettre à profit tout ce qu’ils ont appris et pourront prochainement consolider l’entraînement et l’aguerrissement. »

 

 

Satisfaites des formations dispensées par le détachement du 27e BCA, les autorités du 11e bataillon de montagne souhaitent pérenniser le partenariat. Ils se projettent déjà sur la prochaine édition avec cette fois-ci un travail de conception en état-major plus poussé. Quant à la “La grande 4“, l’objectif est atteint. À l’aise dans le combat en montagne, aussi bien en milieu grand froid (Cold Response 2020) qu’en climat chaud, celle-ci attend sa prochaine projection opérationnelle. Pour le sergent Nicolas, il n’y a pas de doute, « nous sommes prêts ! »

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