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Dynamic Front : un exercice d'artillerie multinational au Danemark

Texte : CNE Eugénie LALLEMENT

Publié le : 13/05/2023.

Cent-vingt soldats français ont pris part à l’exercice d’artillerie multinational Dynamic Front au Danemark, du 13 au 31 mars. Cet entraînement valide par des tirs réels l’interopérabilité des systèmes numériques d’artillerie de l’Otan et des pays partenaires. Il démontre les capacités à synchroniser et mutualiser les appuis feux par des manœuvres coordonnées. Le but : apporter une réponse brutale, massive et rapide face à l’ennemi. TIM s’est rendu en terre scandinave, au plus près des canons.

« Départ obus ! »  Les ordres fusent et l’agitation règne ce lundi 27 mars sur le terrain de manœuvre d’Oksbøl, à l’ouest du Danemark. Abaissant d’un coup franc son bras vers le sol, un chef de pièce hurle « Feu ! », à l’arrière de son Caesar. Le canon expulse la munition, la détonation provoque une onde de choc telle, que les arbres aux alentours se plient. La scène se passe pendant Dynamic Front.

Cet exercice annuel d'artillerie le plus important en Europe, a rassemblé cette année 1 700 soldats de 18 nationalités différentes. Piloté depuis l’Allemagne par le 56th Artillery Command (commandement d'artillerie de l'armée américaine), sous l’égide de l’US Army Europe, il se déroule simultanément en Allemagne, au Danemark et en Roumanie. 120 soldats français, issus en majorité du 93e régiment d’artillerie de montagne (93e RAM), participent à cette édition en Scandinavie.

Sur le terrain, les manœuvres sont coordonnées : une batterie du régiment, composée d’une section à 4 Caesar, est intégrée au 1st Artillery Battalion danois, lui-même inséré dans une brigade d’artillerie multinationale. « Les demandes de tirs passent par un système d’information et de communication reliant les équipes d’observateurs, les différents échelons de commandement et de coordination et les sections de tir, expose le lieutenant-colonel Benoît, chef du bureau opérations et instruction au 93e RAM.

Transparent

Le colonel poursuit : « Chaque pays dispose de son système propre comme Atlas en France. Dynamic Front éprouve leur interopérabilité grâce au protocole commun ASCA. Celui-ci permet le traitement numérique d’une demande de tir d’une nation donnée vers une section de tir d’une autre nation. Il passe toutes les étapes de validation de la chaîne de commandement multinationale chargée de la synchronisation des effets. D’ailleurs, l’autre objectif de Dynamic Front est de valider le concept, nouveau dans l’Otan, de brigade d’artillerie multinationale. »

Grâce à ASCA, il est possible de faire tirer des canons français sur des objectifs désignés par les alliés et inversement. Pour les utilisateurs, c’est transparent. Seuls la France, les États-Unis, le Danemark et la Pologne effectuent des manœuvres à tirs réels, pendant la phase du Live Fire Exercise.

Fulgurance et adaptabilité

Au centre d’opération de la brigade d’artillerie multinationale basée sur le camp d’Oksbøl, l’ambiance est studieuse. Derrière les nombreux écrans, des soldats de différentes nationalités, chargés de la conduite ou de la planification des feux ou encore experts en systèmes d’information et de communication, opèrent ensemble. L’exercice permet de renforcer les procédures dans les domaines techniques et de consolider l’interopérabilité du programme ASCA. Ce protocole d’échange de données entre les différents systèmes d’artillerie est accessible aux seuls membres de la communauté, sous réserve du même niveau de confidentialité.

« Nous déployons, pour la première fois lors d’un exercice de tirs réels, une passerelle qui nous évite de longues ressaisies de données entre les systèmes alliés. Cela nous donne une grande fulgurance et une adaptabilité qui accroît l’efficacité de l’artillerie, capitale dans les conflits actuels. Nous avons même pu en faire profiter le bataillon danois, que nous renforçons d’une batterie, qui, grâce à cette capacité française, a gagné en réactivité dans l’exécution des missions feux », révèle le lieutenant-colonel Benoît.

Tout le défi de l’exercice réside dans la maîtrise de l’interopérabilité des systèmes pour parvenir à une parfaite fluidité sur le terrain. Cette intégration technique a nécessité une préparation en amont avec l’ensemble des partenaires multinationaux.

« L’un des siens »

Dans un décor aux airs de landes et de dunes écossaises, le vent est glacial, l’air humide, ce mercredi 29 mars. Creusée dans le sol, une cache en bois abrite 3 soldats aux visages camouflés. Ce sont les observateurs d’artillerie du détachement liaison observation et coordination (DLOC), du 5e régiment de dragons (5e RD). Les 6 soldats localisent les positions adverses pour pouvoir commander et régler les tirs d’artillerie sur l’objectif.

Ils changent chaque jour d’endroit. « Dynamic Front nous permet de travailler des tirs techniques plutôt que tactiques, comme ceux dont nous avons l’habitude au régiment. Nous observons aussi des tirs au profit des nations partenaires et inversement. Cela nous entraîne à être interopérable », souligne le lieutenant Maxime, chef du DLOC. Ses équipes et lui rendent compte à la cellule appui-feux (CAF), située au poste de commandement batterie, où se trouve le capitaine Florian, du 93e RAM.

Ce dernier l’assure : « Le chef de corps du bataillon danois m’a accueilli comme l’un des siens. Les procédures sont semblables aux nôtres, avec la particularité que nous tirons à partir du milieu civil, parfois au-dessus des habitations, sur un terrain militaire inconnu, plutôt plat et sablonneux ». L’occasion pour le 93e RAM, habitué à être engagé dans des terrains accidentés d’évoluer sur un terrain moins contraignant.

300 obus

« 20 coups à mon commandement. Attention section, tirez ! », annonce à la radio l’adjudant Ismaël, sous-officier adjoint du 93e RAM. Dans son véhicule de l’avant blindé, il reçoit les coordonnées de tir via le logiciel Atlas. Après vérification des données et de la possibilité de réalisation du tir, il les envoie aux Caesar. « Sur le terrain, les ordres sont transparents pour nous », confirme-t-il. Le régiment dispose de 300 obus explosifs pour tout l’exercice.

Le tir par excellence, dit “ heure sur objectif ” (HSO), maximise la brutalité des feux en assenant plusieurs coups sur une zone déterminée, en un temps réduit par plusieurs unités de feux. Pour être le plus précis possible, des tirs de réglage peuvent être réalisés pour confirmer l’ensemble des éléments perturbateurs de la trajectoire des obus. Pour intervenir rapidement en cas de dysfonctionnement des lanceurs, les mécaniciens Caesar sont indispensables.

De même, la présence de l’officier de sécurité position des tirs auprès des pièces est nécessaire au bon déroulé des feux. Reconnaissable à son casque et à son brassard rouge, l’adjudant-chef (R) Richard tient ce rôle. « Mon homologue danois est présent à mes côtés chaque jour. En lien avec sa hiérarchie, il s’assure que l’emplacement de la batterie est conforme et me transmet l’autorisation de tirer. Quant à moi, je suis en liaison radio avec une chaîne dédiée française pour garantir la sécurité indispensable aux entraînements en temps de paix.

Cette sécurité est d’autant plus importante que nous sommes à l’étranger dans un pays ami en terrain civil, même si le 93e RAM est habitué aux tirs réels en terrain civil lors de ses entraînements en montagne dans le grand champ de tir des Alpes », précise-t-il. En favorisant la collaboration et l'interopérabilité entre les forces de l'Otan et les pays partenaires, Dynamic Front contribue de manière significative à la stabilité et à la sécurité régionales, en améliorant la capacité des forces alliées à opérer ensemble efficacement en temps de crise ou de conflit.

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