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Aux Émirats arabes unis pour l'exercice El Himeimat

Texte : CNE Anne-Claire PÉRÉDO

Publié le : 20/05/2022 - Mis à jour le : 21/09/2022.

L’exercice El Himeimat, organisé chaque année, permet aux armées françaises et émiriennes, liées par des accords de défense, de s’entraîner aux missions qu’elles peuvent être amenées à remplir ensemble. La 12e édition s’est tenue du 28 février au 18 mars et a réuni plus de cinq cents soldats du 5e régiment de cuirassiers et près de deux cents militaires émiriens dans le désert d’Al Hamra et sa gigantesque ville de combat. L’occasion de s’aguerrir dans un environnement “haute intensité”.

Al Hamra reflète un visage presque oublié des Émirats arabes unis (EAU). Loin des buildings ultra modernes d’Abu Dhabi, la ville est traversée par le Rub al Khali, l’un des plus grands déserts au monde, aussi majestueux que terrifiant d’immensité. Dans cette région inhospitalière où stationnent cinq cents soldats français, une tempête de sable semble se lever le 15 mars. Il n’en est rien. Le brouillard de poussière se formant peu à peu, enveloppe la centaine d’engins militaires qui quittent le camp militaire. Chars Leclerc, véhicules de combat de l’infanterie, véhicules blindés légers, canons Caesar et G6 émirien… El Himeimat entre dans sa phase finale.

Cet exercice, débuté le 28 février est organisé et conduit tous les ans par le 5e régiment de cuirassiers (5e RC), composante terrestre des forces françaises aux EAU. Pendant un mois dans le désert, dont quinze jours d’exercice, il travaille son interopérabilité avec l’armée émirienne, avec laquelle la France entretient des liens forts, formalisés par des accords de défense. Ce rendez-vous phare de coopération sert aux forces françaises à démontrer leur capacité à honorer le volet terrestre de ce partenariat. Il est aussi l’opportunité pour les soldats français de s’entraîner en milieu extrême. Le visage couvert de sueur, le caporal-chef Julien, chef de pièce mortier 81 mm, insiste : « Quand on est capable de travailler ici, on est en mesure d’agir dans n’importe quelles conditions ».

« Ça fonctionne »

Sur El Himeimat, le régiment exécute ce à quoi il peut être confronté si les accords se déclenchaient : l’intégration rapide d’un sous-groupement tactique interarmes émirien à dominante blindée sous le commandement français du régiment. « Chaque édition se veut plus ambitieuse. J’ai souhaité cette année approfondir le travail de changement de milieu du sable à la ville et la collaboration dans le domaine de l’artillerie », précise le colonel Gautier Saint-Guilhem, chef de corps du 5e RC. Pari gagné. Pour la première fois, un tir conjoint avec la même chaîne de commandement Atlas est réalisé le 13 mars. Alignés sur cinq cents mètres, quatre G6 émiriens sont intégrés dans le dispositif français composé de quatre canons Caesar. Ensemble, ils appuient la manœuvre du sous-groupement situé à quelques kilomètres. « Feu ! » hurle soudain le lieutenant Jonathan, chef de tir. L’écho est brutal. La résonance des obus de calibre 155 et les nuages de fumée ne laissent aucun doute sur le sort de l’adversaire qui se dresse face au groupement.

Dans la nuit, des obus perforants français et des obus éclairants émiriens sont tirés simultanément. « Quand on atteint ce niveau, c’est que l’interopérabilité fonctionne, relate Jonathan. Les postes de commandement ont été centralisés. Un officier de coordination des feux français est capable aujourd’hui de commander un tir Caesar comme un tir émirien. » Cette opération inédite est le résultat d’une instruction progressive : après avoir échangé lors d’ateliers communs, les artilleurs des deux nations avaient procédé à des tirs conjoints, mais simulés, quelques jours plus tôt. Les brigades émiriennes sont uniquement composées de bataillons de mêlées ; le régiment et le 7e corps d’artillerie se sont donc binômés le 24 février pour accroître leur interopérabilité.

Préparer la numérisation

Dans la plaine aride, le sous-groupement blindé se fond dans le décor grâce à son camouflage sable. Face à lui, se cache un adversaire doté des mêmes moyens. À l’avant, les véhicules blindés légers (VBL) partent en éclaireurs. Agiles et rapides, ils débusquent la force adverse qu’ils regroupent dans un compartiment de terrain pour favoriser leur neutralisation par les chars Leclerc postés à l’arrière. Une fois l’ennemi détruit, la progression reprend. Derrière les éléments de cavalerie, les fantassins débarqués des véhicules blindés de combat de l’infanterie (VBCI) tiennent le terrain conquis. Cette séquence uniquement française a débuté le 12 mars et se poursuivra pendant deux jours. Les militaires français approfondissent leur maîtrise des équipements et du combat interarmes. Plusieurs industriels étaient présents pour voir l’emplacement de leur matériel. Parmi ses missions, le 5e RC compte celle du soutien aux exportations.

Une des nouveautés d’El Himeimat 2022 est le déploiement de SICS, engagé pour la première fois en milieu désertique. Le régiment prépare cette numérisation depuis un an. À bord de son VBCI, le sergent-chef Alassane est concentré. Dans quelques minutes, il participera à une offensive de trois heures. « La géolocalisation des véhicules qu’offre le système permet de travailler sur plusieurs fuseaux tout en ayant une visibilité sur chaque engin. C’est un outil précieux dans un combat de masse où les moyens déployés sont nombreux et nécessitent de se coordonner. »

Vivre comme en Opex

Le combat de demain sera dur et long. Il faut s’y préparer. Action de coopération, El Himeimat est l’opportunité de s’entraîner dans des conditions difficiles. Pour l’homme comme pour les équipements, le sable omniprésent est une vraie contrainte. Il s’infiltre partout, obligeant les soldats à protéger et entretenir encore plus leurs équipements de haute technologie. La chaleur qui avoisine les 48°С à l’ombre n’est pas en reste. « Plus les températures sont hautes, plus on tire loin. Il faut prendre en compte cet élément dans le calcul des paramètres des tirs », illustre le lieutenant Jonathan à proximité des Caesar. Sur les cinq cents Français présents, la moitié n’a pas encore été projetée en opération. Au-delà de travailler leur compétence technique, ils vivent comme en Opex : dans l’inconfort, isolés dans le désert dans une zone non francophone et sous tension, ils se découvrent.

Le saviez-vous ?

Le 17 janvier dernier, Abu Dhabi a été victime d’attaques balistiques depuis le Yémen. À la demande des autorités locales, les accords de défense ont été enclenchés. Des moyens aériens et terrestres français du 5e RC sont depuis engagés pour la protection du territoire et des installations stratégiques.

« Actuellement, l’armée de Terre a trois priorités : la réorganisation au Sahel, la réassurance des forces à l’est de l’Europe et l’aguerrissement de ses troupes. El Himeimat est un laboratoire de haute intensité aux portes de l’Asie, une zone encore mal connue pour les militaires français », expose le chef de corps au Cemat émirien lors d’une de ses visites. À peine a-t-il terminé sa phrase, que le major de camp le préalerte d’un nouvel avis de tempête. L’ordre tombe : il faut renforcer la base vie afin que le vent n’emporte pas les tentes. Malgré l’heure tardive, tous s’activent et remplissent des sacs de sable disposés le long des toiles. C’est aussi ça, la vie en opération.

« Mis en confiance »

La coordination est la clef de la réussite d’une opération, interalliée ou non. Elle repose sur l’utilisation complémentaire des capacités de chaque arme. Des ateliers ont été organisés en ce sens avant la phase finale de l’exercice dans l’impressionnant complexe de combat en zone urbaine, le Al Hamra Training City. Mercredi 9 mars, dans la matinée. Le brigadier-chef Clément progresse avec ses hommes de bâtiment en bâtiment, alternant entre milieu ouvert et espace compartimenté. Posté devant une porte, il reste immobile : il suspecte un IED. « J’ai besoin d’un appui génie, vite ! », crie le chef de groupe.

Les sapeurs insérés dans son groupe parviennent à son niveau et évaluent la menace. Ils progressent rapidement car tous sont à découvert. Les VBCI établissent une bulle de sécurité autour d’eux, prêts à riposter. La menace peut venir de n’importe où. La guerre en ville est la plus meurtrière pour les combattants. « Le groupe est souvent éclaté et chemine en milieu clos. C’est oppressant et implique une grande responsabilité de chacun. Des infrastructures réalistes à la chaleur écrasante, on ne s’est jamais entraîné comme ça. Participer à El Himeimat nous met en confiance pour les combats du futur », explique Clément, le souffle coupé.

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