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Au large des côtes espagnoles, l’exercice Milex

Texte : CNE Justine de RIBET

Publié le : 15/01/2024 - Mis à jour le : 16/01/2024. | pictogramme timer Temps de lecture : 10 minutes

Milex 23 a rassemblé 9 nations et plus de 2 800 militaires du 16 au 22 octobre, en Espagne. Sous la bannière de l’Union européenne, cet entraînement a éprouvé la capacité de déploiement rapide des armées européennes dans les eaux mouvementées de Cadix.

Sans un bruit, non loin des côtes espagnoles et de la ville de Cadix, le porte-hélicoptères amphibie (PHA) Tonnerre brise les vagues d’une mer agitée. Alors que la nuit tombe, les rotors de l’hélicoptère Cougar rompent le silence. Une dizaine de militaires s’y engouffrent, sans presser le pas. Les hélices s’emballent et en quelques minutes seulement, la machine quitte le pont d’envol en direction d’un objectif dans les terres.

À son bord, un groupe, composé de soldats français et espagnols, s’apprête à effectuer une mission de reconnaissance et de recueil de renseignement sur une position ennemie. Cette première manœuvre donne le coup d’envoi du Live exercise (Livex) de Milex (Military exercise 2023).

Placé sous les ordres de l’état-major interalliés commandé par un amiral espagnol, le Livex a rassemblé du 16 au 22 octobre, 2 800 militaires et 31 unités de 9 nations européennes dont le Portugal, la Roumanie, l'Autriche, l'Italie et la France. Cet exercice de gestion de crise à dominante amphibie vise à améliorer l’interopérabilité des capacités militaires et la capacité de déploiement rapide de l’Union européenne.

« Au-delà de développer sa force de réaction pour faire face aux conflits et aux crises de demain, Milex est également une excellente occasion d'entraîner les savoir-faire tactiques et amphibies des marins, soldats et aviateurs, et d'évaluer la compatibilité de nos capacités », expose le capitaine de vaisseau Adrien Schaar, commandant du PHA Tonnerre.

La France, 2e pays contributeur avec plus de 600 militaires des trois armées, est intégrée à l’Amphibious Task Group. Quant à la participation de l’armée de Terre, celle-ci est composée d’une force de réaction embarquée constituée d’éléments de la 9e brigade d’infanterie de Marine. Elle est armée par le régiment d’infanterie-char de Marine (RICM), avec 55 véhicules, (Griffon, AMX-10RC, véhicule blindé léger…), 3 Gazelle et 2 Cougar du 3e régiment d'hélicoptères de combat.

Réglé comme du papier à musique

« Point de situation dans cinq minutes ! » résonne dans les entrailles du PHA Tonnerre. Autour d’une grande table, une quinzaine de personnes s’affairent. Sur les murs, des cartes, sur les écrans, le suivi en temps réel des troupes au sol. La sonnerie des téléphones et les conversations se mêlent aux discussions du pont 4, la zone état-major du Tonnerre. Au cœur du réacteur : le centre des opérations (CO).

Les manœuvres amphibies ne peuvent avoir lieu sans coordination entre les armées et les nations. Sur le bâtiment de la Marine nationale, le CO du groupement tactique embarqué (GTE), armé par le RICM, est en charge de la planification.

« Une opération amphibie est une action qui mobilise les trois milieux : terre, air et mer. Pour la réussir, il nous faut impérativement coordonner les capacités de la Marine nationale et de l’armée de l’Air et de l’Espace avec les nôtres, observe le chef de bataillon Christophe, officier du RICM et chef du CO. Chacun a son domaine, son expertise, et nous avons besoin de cela pour fonctionner mais surtout pour mener à bien la mission ».

Le travail débute par une phase de planification en utilisant la méthode Otan. Tout doit être réglé comme du papier à musique, surtout dans les manœuvres amphibies. L’embarquement et le débarquement des véhicules ne sont pas faits au hasard. Ils sont élaborés par l’officier d’embarquement amphibie.

« Je dois traduire la manœuvre en cinématique de débarquement détaillée des véhicules en fonction des capacités des engins de débarquement et de la manœuvre tactique. Puis, je la transmets au chef de l’unité interarmées de plage. Il faut définir l’ordre de priorité de montée des véhicules dans les chalands de transport de matériel (CTM) et l’engin de débarquement amphibie rapide (EDAR) depuis le PHA Tonnerre, détaille le lieutenant Matthieu. Il faut qu’elle soit le plus adaptée possible à la manœuvre terrestre. »

Tout dépendra de l’effet souhaité. « Pour le réembarquement, le principe reste le même, il faut anticiper la prochaine manœuvre », poursuit le lieutenant. Quelques étages en dessous, les moteurs des véhicules ronronnent : le GTE se prépare. D’ici peu, le beachmaster donnera les ordres pour monter à bord des cuves.

« Le pont entre la mer et la terre »

Quelques heures plus tard, sur la plage d’el Retin, une tempête de sable se forme. L’hélicoptère Puma de l’armée de l’Air et de l’Espace dépose une section des fusiliers marins en charge de la sécurisation de la zone. Côté mer, des semi-rigides® sombres glissent sur les vagues. Les plongeurs de la Marine nationale approchent furtivement dans la nuit. Ils ont pour mission de mener des reconnaissances de plage pour déterminer la faisabilité d’un débarquement et de s’assurer que les profondeurs et les abords ne sont pas pollués.

Dès les premières lueurs du jour, les rotations d’hélicoptères espagnols et roumains commencent pour appuyer les forces armées à terre et en mer. Sous leur surveillance, l’EDAR de la flottille amphibie du PHA Tonnerre peut s’approcher de la plage. L’EDAR baisse les portes : 3 AMX-10RC et 2 véhicules blindés légers surgissent. Pour faire face à une potentielle menace, le peloton blindé est chargé de sécuriser et repousser les éventuelles attaques. Dès lors, le chaland de transport de matériel amène sur la plage le Bulldozer et l’engin de génie d’aménagement de plage du 6e régiment de génie.

Ces deux véhicules aménagent la plage pour faciliter le débarquement des forces terrestres. Dépose de tapis, destruction d’obstacles ou encore dépannage de véhicules... ils sont indispensables pour la réussite d’une opération amphibie. Sur le sable, le beachmaster est responsable de la sécurité technique et de la gestion de flux sur la zone de mise à terre. Les véhicules débarquent rapidement, un à un.

Constamment en lien avec le Tonnerre et la composante terrestre au sol, « l’unité interarmées de plage est le pont entre la mer et la terre », illustre le sergent-chef Frank, chef de la section. Cette unité de l’armée de Terre est sous les ordres du commandant du PHA. Néanmoins, elle maintient une communication directe avec le PC déployé sur le terrain. En cas de réembarquement tactique rapide, elle reste sur zone pour veiller au respect des manœuvres.

« Une opération multi-champs »

Le challenge de Milex est de réussir à ouvrir des réseaux de télécommunications entre les armées. Ces dernières possèdent souvent le même matériel, mais utilisent des fréquences et des processus différents qui nécessitent une bonne coordination. « Nous mettons en place des procédures communes pour être certains de bien se comprendre. Nous ne parlons pas la même langue, il est donc important d’avoir les mêmes bases », explique le colonel Jean-Hugues Delcourt, chef de corps du RICM et chef du GTE sur l’exercice.

Une opération amphibie est multi-champs et multi-domaines. Toutes les composantes doivent bien comprendre leur mission et agir dans leur zone de compétences. Les changements de milieux impliquent des phases de vulnérabilité. Cela sous-entend une coordination millimétrée. « Nous devons faire travailler l’ensemble du groupement tactique embarqué au sein d’un environnement européen mais surtout interarmées. Nous en avons besoin. En 2025, la capacité de déploiement rapide de l’UE devrait être pleinement opérationnelle. », conclut le colonel Delcourt.

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