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Lieutenant Mamadou

Un esprit scientifique sous l'uniforme

Texte : CNE Anne-Claire PÉRÉDO

Publié le : 20/05/2022 - Mis à jour le : 10/05/2023.

Au Centre d’entraînement aux actions en zone urbaine 94e régiment d’infanterie, le lieutenant Mamadou est le chef de la section expérimentation robotique. Un poste taillé sur mesure pour cet esprit scientifique. Retour sur un parcours professionnel marqué par une curiosité et une persévérance à toute épreuve.

Le lieutenant Mamadou ne laisse personne indifférent. Son regard franc, sa soif d’apprendre et surtout, son histoire, donnent à ceux qui l’écoutent, l’envie de se surpasser. Affecté au Centre d’entraînement aux actions en zone urbaine du 94e régiment d’infanterie depuis 2021, il est le chef de la toute nouvelle section “expérimentation robotique” anciennement appelée Vulcain. « Cette entité est chargée d’expérimenter les robots et les drones. Elle en évalue le gain opérationnel. Ce poste était pour moi », explique l’officier. Il faut dire que Mamadou est un scientifique. En vrai mathématicien, le lieutenant analyse, décide et agit. « Il faut savoir faire preuve de patience et croire en son étoile. » Son parcours le prouve ! Né au Sénégal, il se destinait après son baccalauréat scientifique à étudier au Canada pour travailler ensuite pour la Nasa. Contre toute attente, il s’engage à vingt ans dans l’armée sénégalaise après avoir quitté la faculté des sciences et techniques de l’université de Dakar. Après deux ans de formation, il rejoint le bataillon de parachutistes sénégalais en tant que sergent en 2000 et devient moniteur-largueur. « Être parachutiste est pour moi synonyme d’excellence. » Soucieux de progresser, il postule à l’École militaire interarmes à l’Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan, en tant qu’élève étranger. Il réussit le concours en 2001 et 2003. Il ne pourra malheureusement pas rejoindre la France. En 2005, il intègre enfin l’école des officiers de son pays.

« On peut tout apprendre »

Le jeune lieutenant se fixe alors un nouvel objectif : servir au sein de la Légion étrangère. Mamadou parvient à gagner Perpignan en 2009. « À 31 ans, j’ai tout recommencé depuis le début et je suis devenu le légionnaire Gérard N’déki. “N’déki” signifie “petit- déjeuner” dans ma langue natale, sourit-il. La Légion m’a offert une seconde chance et m’a protégé. » Il choisit le 2e régiment étranger parachutiste. En 2011, il est muté au 2e régiment étranger d’infanterie à Nîmes. Promu caporal en 2012, il devient sergent en 2015. Entre-temps, il est naturalisé français. « Un souvenir gravé en moi. La France, je l’aime. »
Blessé au genou, il est nommé gérant de restauration de son unité. Même si cette fonction est loin de ses aspirations initiales, il s’y investit et prend goût à la comptabilité. Il s’intéresse à la gastronomie française en visionnant des tutoriels pour confectionner des menus variés et sains. Il obtient même son diplôme d’hygiène alimentaire. Il en est sûr : « Il faut s’interroger et s’intéresser aux choses car on peut tout apprendre ».

L’outsider

En 2020, le concours des officiers de domaine de spécialité voit le jour. Persévérant, Mamadou se porte volontaire et assume : « J’aime les responsabilités et les défis. Plus c’est difficile, plus je suis motivé ». Parmi les prétendants au concours, il est le seul sous-officier non titulaire du BSTAT et pourtant, le seul à réussir les épreuves écrites. Lui, l’outsider. Son chef de corps l’aide à préparer les oraux et Mamadou poursuit l’entraînement le soir avec ses enfants. Devant son miroir, il mime le président de la République. Il apprend à positionner ses pieds, ses mains. Les résultats tombent : il est major de la promotion 2020 au sein de la Légion étrangère dans le domaine de l’infanterie. On lui propose alors de prendre la tête de la section Vulcain. « Pour être crédible, j’ai passé des qualifications drone jusqu’à devenir “officier sécurité de vol”. Ces connaissances sont nécessaires dans les dialogues que j’entretiens avec les industriels et pour remplir la mission qui m’a été confiée. » Le secret de Mamadou est sans aucun doute son insatiable curiosité. « Ce qui importe, c’est de ne jamais cesser de s’interroger », s’enthousiasme-t-il, en citant Albert Einstein. Son prochain défi : passer un master de mathématiques.

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