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Sergent Alain, pisteur en Guyane

L'appel de la forêt

Texte : CNE Justine de RIBET

Publié le : 14/11/2024. | pictogramme timer Temps de lecture : 3 minutes

Depuis son plus jeune âge, le sergent Alain trouve refuge dans la nature. Après plusieurs missions en Guyane, il tombe sous le charme de la forêt amazonienne. Depuis 2021, il met en pratique ses talents de pisteur au 9e régiment d’infanterie de Marine. Rien n’échappe à son œil et à son ouïe. Une vocation au service de la France et de la biodiversité.

Seul, au milieu de la végétation dense, le sergent Alain scrute les environs. Sa démarche est légère, presque féline. Il ne fait plus qu’un avec la nature. Tous ses sens sont en éveil. Le marsouin cherche les indices laissés par les orpailleurs illégaux, communément appelés les garimpeiros, qui sévissent dans la forêt amazonienne. Soudain, il s’arrête. Dans le bruit de fond  de la faune et de la flore, il perçoit le ronronnement presque imperceptible d’un moteur de quad

« Découverte de site, je répète, découverte de site. Les coordonnées sont les suivantes… », lance-t-il à la radio. Le pisteur du 9e régiment d’infanterie de Marine (9e RIMa) vient de déceler une zone active. Quelques minutes plus tard, une section accompagnée d’un gendarme, le rejoint. Ils procèdent aux premières saisies de la journée. Les pisteurs progressent en éclairage des sections de patrouille. Ils profitent du silence pour analyser les environs. Leur avance leur permet aussi de préserver les indices laissés par les garimpeiros« Ce qui me plaît, c’est l’autonomie. »

Décrypter la nature

Conscient des risques liés à son isolement, il sait que son rôle est fondamental dans la lutte contre l’orpaillage illégal. Le poids de l’opération peut parfois peser sur ses épaules. « Le succès de la mission Harpie dépend de l’interprétation des pisteurs ». Le secret d’une mission réussie : « Voir sans être vu, suivre sans être suivi. » Ce métier demande des aptitudes comme une ouïe fine, le sens de l’observation et de la discrétion« Il faut se glisser dans la peau des chercheurs d’or. »

 Dès l’âge de 8 ans, Alain prend l’habitude d’aller à la chasse avec son grand-père et son père. « J’ai appris à décrypter la nature. C’est comme un livre ouvert, il suffit de la comprendre et de maîtriser son langage. » Cette passion deviendra plus tard un atout pour son métier de pisteur.  À 18 ans, ce marsouin originaire de Corse s’engage au régiment de marche du Tchad et effectue une grande partie de sa carrière dans l’Est de la France. 

Pour le jeune homme un peu réservé, le changement est radical. Il évolue dans cette deuxième famille. Petit à petit, il prend confiance en lui, passe de militaire du rang à sous-officier et peaufine son expérience opérationnelle. Là-bas, il cumule 7 opérations extérieures et 5 missions de courte durée en Guyane, au 9e RIMa.

B.a.-ba du métier

Conquis par la Guyane, il n’hésite pas une seule seconde lorsqu’on lui propose d’y effectuer une mission de 3 ans. Il pourra à nouveau goûter au plaisir de la forêt amazonienne et mettre à profit ses talents. Dès son arrivée au 9e RIMa en 2021, le sous-officier se rend compte qu’il n’existe pas de formation spécifique, mis à part des stages internationaux où les places sont rares. Avec l’accord du chef de corps et l’appui d’un expert du domaine, une formation à destination des modules en mission de courte durée est mise en place en 2022. 

La forêt amazonienne ne ressemble à aucune autre. Avant de s’y aventurer, il faut la comprendre. « Au tout début, nous avons transmis nos méthodes et fait part de notre propre expérience. » Pendant cinq jours, les pisteurs en herbe apprennent le b.a.-ba du métier. Sur une petite surface de végétation, les instructeurs cachent des bidons, des bottes et tout autre équipement que l’on peut trouver en jungle.

« La moindre anomalie dans le décor doit leur sauter aux yeux », atteste le marsouin aguerri. Avant d’être confronté à la réalité du terrain, ils sont testés. « Avec la pratique, vient l’expertise. » Il reconnaît avec un grand sourire : « Je suis fier de me dire que j’ai apporté ma pierre à l’édifice. » Dans quelques semaines, le sergent quittera la Guyane. Il ne cache pas sa tristesse mais sait qu’un jour, il reviendra sillonner les layons de la mythique forêt amazonienne.

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