Lieutenant-colonel François Xavier, agriculteur et réserviste
La passion de la Terre
Texte : Capitaine Marine Degrandy
Publié le : 12/03/2025.
|
Temps de lecture :
5
minutes
L’attachement à la terre et à la Nation vont de pair pour le lieutenant-colonel de réserve François-Xavier. À 51 ans, cet agriculteur, dont la vie quotidienne est dictée par la météo et ses animaux, trouve le temps pour servir dans la réserve opérationnelle. Deux univers d’apparence incompatibles mais dont il a fait un équilibre de vie. Rencontre.
Le rendez-vous est donné sur l’exploitation agricole du lieutenant-colonel® François-Xavier. Quelques instants plus tard, le voici qui arrive au volant de son tracteur. Pour ce fils d’agriculteur, l’armée de Terre n’a jamais été bien loin. Né dans l’hexagone, il revient au pays à la fin de son adolescence après avoir vécu au Canada. À cette époque, le service militaire est obligatoire en France.
Deux options s’offrent à lui : repartir ou s’engager. « J’ai effectué mon service dans l’armée de l’Air et de l’Espace. Il existait une souplesse pour les familles qui travaillaient dans le domaine agricole. Je bénéficiais de quinze jours pour aider aux champs », raconte-t-il. À 20 ans, il décroche son BTS agricole et effectue une brève période de réserviste au sein de l'armée de l'Air. Les graines de l’engagement sont plantées. Il ne reste plus qu’à attendre que les semis prennent.
Quelques années plus tard, la réflexion est mûre. « À 30 ans, un ami m’a parlé de la réserve dans l’armée de Terre. La limite d’âge était 31 ans, un signe ! » Un attachement à la terre qui prend une nouvelle dimension. Son bagage universitaire lui permet d’arriver au 12e régiment de cuirassiers avec les galons de sous-lieutenant accrochés sur la poitrine. Après une longue hésitation entre ses deux amours, le lieutenant-colonel® François-Xavier a enfin réussi à les combiner.
« La décompression par la passion »
Le monde de l’armée de Terre et l’univers agricole, bien qu’éloignés, ont un dénominateur commun : être au service des autres. « Quand j’effectue mes périodes de réserve, je vois autre chose. Dans les fermes de la région, on se connaît tous. Mais la réserve donne accès à une incroyable diversité de profils. Pour moi, la réserve c’est la décompression par la passion, une bulle d’air qui me regonfle à bloc. »
On se demande comment il réussit le tour de force de gérer 650 hectares sur lesquels 18 000 poules et 500 brebis évoluent. Le secret : la réserve est profondément enracinée dans sa famille. Celui qui a effectué une dizaine de missions dont la dernière en Roumanie, reconnaît volontiers que sans ses proches, ce serait impossible.
« Tout le monde est impliqué, surtout quand je dois partir en période de naissance des agneaux. Mon père, âgé de 80 ans, me supplée et j’embauche des ouvriers. Mais c’est surtout grâce à mon épouse que je peux le faire. Mes enfants prêtent aussi main forte quand ils sont en vacances. » La relève est assurée. Le terreau familial a fait pousser chez ses enfants un attachement à l’institution. Un de ses fils a revêtu le treillis et sa fille également. Ici l’amour de la Terre se cultive avec un grand T.
« La réserve est intégrée »
Le lieutenant-colonel dresse un constat sur l’évolution de la réserve aujourd’hui intégrée dans les unités. « Les formations sont désormais les mêmes que pour l’active. Avant les réservistes venaient uniquement les weekends. Maintenant, ils participent aux misions de sécurisation du territoire national. Certains, en fonction de leur spécialité, ont la possibilité de partir en Opex. »
La loi de programmation militaire 2024-2030, prévoit d’atteindre 80 000 réservistes d’ici à 2030. Une force en appui des unités d’active, une opportunité pour qui recherche une expérience unique. Cette dernière, le lieutenant-colonel l’a vécue lors de son dernier mandat en Roumanie où son métier lui a servi. Les camps de manoeuvre sont entretenus par les agriculteurs locaux. Comme il maîtrise le sujet, il a pu échanger et resserrer les liens avec la population.
Un souvenir marquant lui revient : « Sur mon dernier mandat, un producteur de fromage m’avait invité chez lui pour une dégustation. L’officier roumain chargé de la traduction me demande ce que j’en pense. Ne pouvant pas dire que ce n’est pas fameux, je rétorque que c’est excellent. Le paysan prépare plusieurs fromages à emporter. Au retour, l’officier qui m’accompagnait m’explique que toute la production est vendue au marché local, son unique source de revenu. L’armée de Terre et la réserve servent aussi à ça : remettre les choses en perspective ».