« Dissuader l'usage de la force en Europe »
Texte : Général de corps d'armée Bertrand Toujouse
Publié le : 12/03/2025.
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Le 22 février 2022, nous avons changé d’ère. L’Europe et le monde occidental ont basculé dans une phase de confrontation où les puissances s’opposent. L’Alliance Atlantique a renforcé son dispositif pour réassurer les Alliés, appuyer l’Ukraine dans la défense de son territoire et anticiper tout risque de dérapage, dans l’esprit de la défense collective de l’article 5 du traité de l’Otan. Il ne s’agit pas d’une posture mais bien d’une volonté commune de dissuader l’usage de la force.
C’est ce que prévoit l’Alliance. La France assume les fonctions de nation-cadre en Roumanie, tout en contribuant au dispositif britannique en Estonie. Elle est également prête à engager une division et le PC du Corps de réaction rapide – France (CRR-FR). Cette ambition se déploie dans le contexte d’une révolution technologique et numérique changeant la manière de combattre.
Cela nous tire vers le haut. Aussi, le pivot opérationnel et européen de l’armée de Terre se traduit par un pivot capacitaire, où les enjeux de la grande profondeur et de la data ont une place centrale dans la conduite des opérations. C’est tout le sens des nouvelles structures d’armée de Terre de combat. En Europe, trois grandes zones se dessinent.
Au nord, le défi est la maîtrise de l’Atlantique et des voies maritimes entre les États-Unis et l’Europe où l’entrée dans l’Otan de la Suède et de la Finlande renforce considérablement cette zone. Au centre, les enjeux tournent autour des États baltes et de la Pologne, avec en arrière-plan la mer Baltique. Au Sud, la focale est portée sur l’entrée vers les Balkans et le contrôle de la Mer noire.
Compte tenu de sa position géographique, la France est concernée par l’ensemble de ces espaces. Les forces terrestres sont présentes dans toute la profondeur du dispositif de l’Alliance :
- en première ligne, dans une sorte de trident opératif, avec la mission opérationnelle Lynx, la compagnie d’infanterie légère et bientôt la brigade-franco-allemande au Nord-Est, avec la mission d’assistance militaire de l’Union européenne à l’Ukraine en Pologne au centre et avec au Sud-Est le bataillon multinational Aigle, déployé en Roumanie avec le renfort de nos camarades belges, luxembourgeois et espagnols ;
- en alerte, avec l’Allied Reaction Force, à laquelle la 11e brigade parachutiste contribue actuellement, et qui sera commandée par la France en 2026 ;
- en réserve, avec une brigade blindée en dix jours et une division en trente, mais également le PC d’un corps d’armée armé par le CRR-FR.
Pour assurer la cohérence et l’efficacité de ce dispositif, les armées ont créé en 2023 le Commandement Terre pour l’Europe. Il est adossé à dessein au Commandement de la force et des opérations terrestres, sous l’autorité unique du commandant de la force et des opérations terrestres, car il emporte avec lui des défis majeurs en matière de génération de forces, de planification, de renseignement, de mobilité et d’interopérabilité.
L'Allied Reaction Force, ou Force de réaction alliée, est la nouvelle forme de réaction rapide de l'Otan. Décidée après l'invasion de l'Ukraine, elle remplacera la Force de réaction rapide de l'Otan dite NRF.