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Les grenades à main, une innovation de la Grande Guerre

Texte : CDT Bertrand GARANDEAU

Publié le : 20/05/2022 - Mis à jour le : 24/06/2022.

Avant 1914, l’armée française se désintéresse de la grenade. Elle n’offre que peu d’intérêt pour la doctrine d’emploi des unités d’infanterie qui combattent plutôt en milieu ouvert, sous appui d’une artillerie très mobile et au contact. Mais fin 1914, la guerre “s’enterre” et donne un nouvel essor à cette arme simple d’emploi capable de frapper un ennemi retranché.

« La grenade à main convient pour atteindre un ennemi abrité non seulement derrière un parapet, mais encore derrière un mur, dans une maison, dans un fossé, dans un simple trou où l’on peut jeter le projectile, etc. » Constat identique chez l’adversaire qui s’adapte lui aussi rapidement : on note dès octobre 1914 que des sapeurs allemands ont pour mission d’instruire l’infanterie au maniement des grenades. Avant-guerre, seules les places-fortes étaient dotées de grenades, dites “à bracelet tire-feu”.

 

 

Ce maigre arsenal est peu disponible pour le Poilu, qui, dès l’automne 1914, commence à bricoler des grenades rudimentaires à partir d’explosifs en dotation. Apparaît ainsi le pétard-raquette, espèce d’engin explosif monté sur un manche en bois et mis à feu par une mèche lente. D’autres projectiles de circonstance sont réalisés à partir de contenants divers, bourrés d’explosifs. Au cours de l’année 1915 la production industrielle est censée prendre le relais de ces initiatives artisanales, mais, objet de combat nouveau et mal maîtrisé, la grenade cause de multiples accidents et inspire finalement la défiance des combattants.

La préoccupation primordiale devient donc de concevoir des allumeurs efficaces et sûrs. Un premier bouchon allumeur à percussion en carton est mis au point : expérimenté en septembre 1915, sa sensibilité à l’humidité le rend souvent inopérant ou dangereux. Un modèle en laiton lui succède mais il faut attendre l’allumeur automatique Billant, à cuiller munie d’une goupille, pour constater un progrès déterminant.

Dans la musette du Poilu

Entre 1915 et 1916 apparaissent enfin des modèles pérennes, à commencer par la grenade mle 1915 type F1, quadrillée. L’entreprise Foug en Meurthe-et-Moselle propose, quant à elle, la fameuse Citron Foug à allumeur spécifique à percussion, qui va devenir l’une des grenades les plus consommées au cours du conflit.

 

 

Au deuxième semestre de 1915, le mle F2 dit “pétard d’assaut” est mis en service. Son corps de tôle chargé de grenaille constitue un premier pas vers l’emploi de grenades offensives, avec une zone d’efficacité létale de 10 m. Le pétard F2 cède rapidement le pas à l’offensive OF mle 15. Pour compléter la montée en puissance de la mise en service de cette arme, la production des usines françaises n’est pas suffisante et des programmes d’importation sont conclus. Dans la musette du Poilu on trouvera ainsi des Besozzi italiennes, des Mills 5 britanniques ou encore des Aasen danoises. Après 1917, l’infanterie dispose enfin d’une gamme standardisée de grenades fiables, permettant une instruction rationnelle et simplifiant le casse-tête logistique.

Outre les grenades d’emploi générique, l’armée se dote d’engins à effet spécialisé. Une gamme de grenades fumigènes et incapacitantes est développée. On innove également en créant des artifices incendiaires ou à fort pouvoir thermique pour opérer des destructions ciblées (notamment des pièces d’artillerie saisies) et un pétard à forte charge inspiré du Bangalore britannique pour créer des brèches dans les barbelés. Enfin en 1918, est conçue une grenade antichars à forte charge, destinée à la neutralisation des tanks qui se meuvent alors à très faible allure.

Des grenadiers-voltigeurs

Arme du combat rapproché, la grenade est devenue un élément-clef du fantassin, formé et entraîné désormais comme grenadier-voltigeur. Le manuel du chef de section (édition 1916 à 1918) stipule que « tous les hommes doivent savoir lancer individuellement une grenade » et que « le ravitaillement en grenades doit être l’une des préoccupations constantes du commandement à tous les échelons ».

 

Chaque compagnie intègre en outre deux groupes de huit grenadiers. Ils reçoivent un équipement adapté et un armement allégé. Parmi eux quelques grenadiers d’élite spécialement entraînés, capables d’entretenir une forte cadence de tir et de lancer jusqu’à 40 m. Enfin, chaque bataillon dispose d’un officier spécialisé en mesure de commander ces groupes pour une action d’ensemble. Part notable dans la gamme des matériels innovants qui confèrent au fantassin une puissance de feu accrue et variée, le développement de la grenade à main (et à fusil) a contribué sensiblement à l’évolution de l’infanterie française de la Grande Guerre, tant dans son organisation que dans sa doctrine et sa préparation opérationnelle.

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