Les études historiques sur le terrain : imaginer les manoeuvres de l'époque
Texte : CNE Anne-Claire PÉRÉDO
Publié le : 19/05/2022 - Mis à jour le : 24/06/2022.
L’art de planifier et conduire une opération ne s’improvise pas. Pour aider les cadres à se projeter dans leur réflexion, la Chaire de tactique générale et d’histoire militaire organise des études historiques sur le terrain. Des exercices menés sur d’anciens champs de bataille où les stagiaires doivent imaginer les manœuvres de l’époque.
Une journée particulière attend les cent quarante capitaines de l’école d’état-major de Saumur. Tous préparent la qualification interarmes de niveau 2. C’est à Alençon en Normandie qu’ils se réunissent en novembre dernier. Sur ce champ de bataille de la Seconde Guerre mondiale, ils s’apprêtent à vivre un cours de tactique, grandeur nature, le temps d’une Étude historique sur le terrain (EHT). Dispensée par la Chaire de tactique générale et d’histoire militaire, cette étude a un objectif est double. Les officiers doivent imaginer l’offensive française du 12 août 1944 pour libérer la ville de l’occupant, mais aussi la stratégie défensive allemande.
Le capitaine Romain explique : « Les instructeurs ont présenté le contexte historique et les moyens dont disposait chaque protagoniste. À nous de reproduire ensuite les procédés mis en œuvre ». Répartis en groupes et dotés de cartes topographiques, les stagiaires élaborent leur manœuvre à vue du terrain. L’occasion d’appliquer la Méthode d'élaboration d'une décision opérationnelle Terre, dite MEDO-T, apprise à Saumur.
Penser une manoeuvre
Tout prédestinait les Allemands à perdre lors de la bataille de Normandie. Et pourtant. Les pertes infligées aux alliés sont lourdes. « Il ne faut jamais sous-estimer l’ennemi », insiste le colonel Frédéric, titulaire de la Chaire. L’ennemi a exploité le terrain à son avantage grâce à sa connaissance fine de son environnement. Le colonel relate : « Les dommages causés montrent l’importance des fondamentaux du combattant. Pour penser une manœuvre, il faut trouver la bonne formule entre la variété des techniques, l’ennemi, le terrain et enfin, les règlements plus nombreux aujourd’hui ».
Il faut se mettre dans la tête de l’ennemi pour anticiper son action. L’adversaire auquel est confronté Romain durant cette étude est différent de celui qu’il connaît. Malgré ses départs au Sahel, il est opposé pour la première fois à un ennemi symétrique, pourvu de capacités technologiques similaires. Avec ses camarades, il se prépare intellectuellement aux les conflits de demain tout en consolidant sa culture historique.
Voir plus loin
Contribuant à une meilleure préparation opérationnelle, l’enseignement des EHT est important dans la réflexion doctrinale comme la conception de nouveaux équipements, mais aussi dans le conseil au profit des états-majors. « Un des officiers concernés par l’EHT était issu du domaine de la cyber défense » indique le colonel. Délivrées aux seuls stagiaires de l’École de guerre depuis quinze ans, ces études s’étendent désormais à d’autres organismes tels les Écoles militaires de Saumur, pour qui cette journée est inédite. Dix EHT ont été organisées en 2021 contre cinq en 2020.
Les nations alliées aussi sollicitent la Chaire pour en organiser. Une étude d’une semaine a été menée récemment en Italie. L’apport de l’Histoire dans la structuration de la pensée des cadres, qu’ils se destinent à intégrer l’École de guerre ou à s’orienter vers un diplôme technique, est incontestée. Le stratège Napoléon lui-même avait mémorisé toutes les grandes batailles pour ne pas reproduire les erreurs du passé sans en faire des recettes mais pour développer son sens tactique : la rémanence.