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Le canon de 75 mm modèle 1897, une réussite française

Texte : LCL Simon LEDOUX

Publié le : 13/03/2023.

Le canon de 75 mm modèle 1897 fut l’une des armes françaises les plus modernes de son temps. Évolué et rustique à la fois, le ʺ75ʺ a connu une carrière opérationnelle de soixante ans, appuyant les unités de mêlée sur tous les théâtres d’opérations. Sa fiabilité et son potentiel d’évolution permet à l’industrie de proposer à l’armée de Terre des engins innovants répondant à des besoins tactiques naissants.

À sa sortie, fin du XIXe siècle, le canon de 75 apparaît comme révolutionnaire et devient une pièce essentielle de l’arsenal français. Et pourtant. La guerre franco-prussienne de 1870-71 consacre la suprématie de l’industrie d’armement prussienne, notamment dans le domaine de l’artillerie. Les canons français peinent à tenir la comparaison avec ceux de l’ennemi. Une véritable révolution s’opère dans les esprits français en cette période de l’immédiat après-guerre : de celle-ci naît notamment le fameux ʺ75ʺ. Il est l’œuvre du capitaine Charles Étienne Sainte-Claire Deville.

En 1898, la mise en service opérationnel de ce canon constitue une véritable rupture technologique pour l’artillerie française. Les feux gagnent en précision par l’ajout d’un frein de tir oléopneumatique qui annule quasiment le recul du canon et le besoin de repointer sur l’objectif entre deux tirs. Le tir gagne en rapidité, une pièce peut tirer jusqu’à 20 coups par minute. Cette cadence est entretenue grâce à la présence d’un caisson de 72 obus, positionné au plus près de la pièce, limitant ainsi les norias vers l’arrière.

Une longue carrière

Côté munitions, l’usage de la poudre sans fumée à la place de la poudre noire diminue de beaucoup l’entretien de la pièce et favorise la discrétion sur le champ de bataille. Les obus et les charges forment un coup complet encartouché qui est chargé par la culasse et non plus par la bouche. Enfin, la mobilité est favorisée par un assemblage ingénieux d’un avant-train, d’un caisson de munitions et d’un canon qui, tracté par un attelage de 4 à 6 chevaux, permet à l’artillerie de campagne de devenir « volante », c’est à dire de se déplacer très rapidement sur le champ de bataille.

Au cours de sa longue carrière dans l’armée française, et plus anecdotique dans l’armée allemande pendant la Seconde Guerre mondiale, l’environnement du canon de 75 mm est sans cesse modernisé : affût tous azimuts, train de roulement pneumatique, etc. Cependant, le cœur du système conçu à la fin du XIXe siècle, le canon lui-même, demeure inchangé jusqu’à son retrait du service en 1962.

Les performances balistiques du canon, alliées à un large panel d’obus et de fusées, permettent à l’artillerie de campagne de proposer toutes sortes d’effets tactiques. Parmi les nouveautés, les obus fusants neutralisent les attaques adverses en projetant des centaines de billes de plomb à haute vitesse sur les assaillants, les obus fumigènes masquent la progression de l’infanterie amie, les obus éclairants déjouent les attaques nocturnes ennemies. Des fusées spéciales autorisent le tir antiaérien.

Un armement de rupture

La Première Guerre mondiale est féconde en innovations technologiques : aviation de combat, chars d’assaut, canons antiaériens, etc. S’il est trop lourd pour être emporté par un avion, le ʺ75ʺ est très tôt adopté par la défense antiaérienne dont il devient bien vite l’essentiel de l’arsenal. Il constitue même la préhistoire du concept de défense antiaérienne d’accompagnement, car, installé sur une auto de Dion-Bouton, il permet d’assurer une protection mobile au plus près de la ligne des contacts.

Monté à l’avant du char Saint-Chamond, il permet à l’artillerie spéciale, ancêtre des chars de combat, de disposer d’un armement de rupture, contribuant directement aux tentatives entreprises pour atteindre l’effet opératif ultime, la percée des lignes ennemies. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il est adapté au combat antichar par l’ajout d’une plateforme permettant un changement d’azimut rapide, ou par le montage sur un châssis allemand (Pak 97/38) ou un camion britannique (Conus Gun).

La modernité du canon de 75 mm modèle 1897 a rendu possible l’innovation tactique et technique. La fiabilité, la polyvalence, le potentiel d’évolution technologique, l’adaptabilité, la simplicité de mise en œuvre ont permis la longévité exceptionnelle et bâti la légende de ce fleuron de l’artillerie française.

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