Partager l'article

L'argot dans le monde militaire

Texte : Chef de Bataillon Eva RENUCCI

Publié le : 13/09/2024. | pictogramme timer Temps de lecture : 3 minutes

Le jargon s’invite dans tous les milieux professionnels. Il permet la compréhension immédiate des initiés et renforce le sentiment d’appartenance à une communauté. Le monde des armées n’échappe pas à cette règle. L’abécédaire militaire est riche de multiples apports culturels, historiques et géographiques. Retour sur quelques mots et expressions emblématiques aux accents brun Terre de France.

La particularité du langage militaire n’échappe à personne. Ses tonalités saccadées sont le reflet d’une culture et d’une histoire. Elles portent en elles la singularité du métier des armes. La clarté si caractéristique des propos évite toute confusion dans l’exécution des ordres donnés. Elle garantit le bon déroulement des missions. Avec une mixité croissante de Français d’horizons culturels différents (Occitans, Corses, Alsaciens), un argot s’est développé et enrichi dans le temps. 

Des chants du Pacifique ont été intégrés dans le répertoire des troupes de Marine et au-delà (les recrues de cette zone étant nombreuses) rendant populaires certains termes. Nombre d’expressions sont aussi nées de la propension à jouer et se moquer avec des mots. Ainsi, crapahut, exercice de marche en terrain difficile, serait tiré à la fois d’un jeu de prononciation partant du mot crapaud et d’une comparaison avec les mouvements de contorsion effectués sur cette sorte de trapèze. Certains mots peuvent être détournés. 

Par exemple l’emploi de pékin pour désigner les civils est une déformation de l’adjectif provençal péquin dans le sens du pequeňo espagnol, petit. L’expression “tirer à boulets rouges” signifie attaquer violemment quelqu’un par la parole ou par des écrits. Elle trouve son origine dans l’artillerie de marine où les soldats faisaient chauffer des boulets dans des fours ou sur des grills afin qu’ils provoquent des incendies sur les bateaux ennemis.

Renforcer l’imaginaire collectif

À cela s’ajoute la trace de révolutions techniques marquantes. Le sobriquet de gonfleurs d’hélice désignant l’armée de l’Air et de l’Espace, provient du fonctionnement des hélices nécessitant le recours à une vessie d’air comprimé. La fascination pour l’exotisme de troupes et de tenues liées à l’expérience coloniale, la participation aux conflits mondiaux n’ont fait que renforcer l’abécédaire militaire. L’action de chouffer (arabe) pour désigner une action du guetteur est très courante ; de même que toubib signifie médecin en arabe.

Le langage militaire s’est infiltré dans le langage civil. Les garnisons faisant partie du paysage des Français, cette proximité quotidienne, renforcée par les cérémonies publiques, a influencé les perceptions jusque dans l’adoption de particularismes guerriers dans les discours ou la correspondance. Le chant, essentiel dans la vie de garnison, a nourri le répertoire traditionnel et enfantin (voire scout), lorsque ces éléments n’étaient pas repris par les orchestres civils.

Le terme péjoratif bidasse est dû au succès d’une chanson de 1913, Avec l’ami Bidasse. Mieux, la musette, qui contient tous les trésors et ressources pour combattre et vivre (1812), tire son nom de l’analogie avec une sorte de cornemuse de même forme. La conscription de masse à partir de la fin du XVIIIe siècle et les conflits mondiaux ont favorisé l’intégration ou le transfert d’expressions aux usages de la langue commune jusqu’à en perdre le sens originel. 

Une très bonne illustration en est le OK couramment employé. Héritage anglo-saxon, il est lui-même une déformation du compte-rendu oral de pertes humaines depuis la guerre de Sécession : Zero killed s’est muté en 0K avant sa forme actuelle, le zéro se prononçant comme la lettre O. Le toast tchin-tchin serait quant à lui un apport des guerres franco-chinoises. L’organisation du service militaire a permis de renouveler cette pratique. Surtout, lorsqu’il s’agissait pour les intéressés de prendre la quille, tout en intégrant à leur corps défendant des us de la vie militaire pourtant rejetée. 

À lire aussi

La concertation permet de transmettre au commandement les préoccupations des terriens et de formuler des propositions.

Zoom sur

Ce lien privilégié et officiel, permet à la Nation d’exprimer sa reconnaissance aux militaires engagés.

Tim vous explique