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France, Royaume-Uni, l’Entente cordiale

Texte : Commandant Eva Renucci, adjoint études historiques au CDEC

Publié le : 23/02/2024. | pictogramme timer Temps de lecture : 5 minutes

Alors que l’année 2024 marque le 120e anniversaire de l’Entente cordiale et que le roi Charles III, lors de son dernier voyage officiel faisait encore allusion à cette notion, retour sur l’amitié franco-britannique, notamment dans le domaine de la défense et de la sécurité.

Pendant des siècles, la relation franco-britannique a été marquée par des conflits et des rivalités. Celles-ci impliquent tout d’abord la définition de leurs frontières respectives en Europe ; la guerre de Cent ans en est l’un des épisodes les plus connus avec, au passage, la construction de héros nationaux tels que Jeanne d’Arc ou Bertrand du Guesclin. Puis, les confrontations se délocalisent dans le monde entier, autour de la constitution d’empires. Les guerres de la Révolution et de l’Empire, également idéologiques, constituent un autre moment fort de cette confrontation. 

L’arrivée de dirigeants ayant connu l’exil au Royaume-Uni et entretenant des liens d’amitié personnelle avec la couronne anglaise, Louis-Philippe ou Napoléon III, permet des éclaircies. Ce rapprochement, décrit d’emblée comme une entente cordiale (mutual understanding), donne lieu à des gestes symboliques à l’instar des honneurs à la reine Victoria à Paris qui sont à l’origine du shako aux couleurs de la maison royale d’Angleterre pour les Saint-Cyriens (1855). Par ailleurs, la convergence d’intérêts sur un continent européen voit les meilleurs ennemis combattre côte à côte en Grèce ou en Crimée. 

Puissances équivalentes

Ce modus vivendi s’officialise en 1904, sous l’impulsion du très francophile Edouard VII. Il s’agit de mettre fin à la multiplication de différends dans l’espace colonial, dont la crise emblématique autour du contrôle de Fachoda, poste avancé de l’actuel Sud-Soudan (1898). La manœuvre privilégie la solution diplomatique pour éviter un affrontement direct qui n’est plus de mise depuis près d’un siècle. Cette solution serait de ʺtroquerʺ l’Égypte contre le Maroc et de s’accorder sur le statut de Terre-Neuve, problématique depuis 1713. 

Au-delà de cette (ré)conciliation, c’est la reconnaissance d’une communauté de destin entre puissances équivalentes, prévoyant un soutien mutuel. Ce ʺpartage du mondeʺ s’inscrit dans la matérialisation des ambitions d’une puissance tierce, l’Allemagne. Le rapprochement se traduit par l’apparition des premiers échanges d’officiers. Des plans d’opérations secrètes sont également étudiés conjointement. 

Traité d’alliance

Les deux conflits mondiaux vont tout à la fois prouver et éprouver la solidarité entre Paris et Londres, bien que cela soit souvent au pied du mur. La Grande Guerre ne voit la création du Grand Quartier général des armées alliées que le 26 mars 1918. Sous le commandement du maréchal Foch, il est le gage de l’interopérabilité au sein de la coalition pour peser de manière décisive face à un ennemi qui tente de reprendre l’initiative. 

 

Fin mai 1940, le sacrifice des soldats français protégeant la poche de Dunkerque permet aux Britanniques de sauvegarder une armée indispensable à la poursuite du conflit face à l’Allemagne nazie. Dans le même ordre d’idée, Jean Monnet propose peu après, une union politique, ʺfusion des Étatsʺ, à Winston Churchill dans l’espoir d’éviter un armistice français.

Le 18 juin, Londres devient la capitale intérimaire de la République française maintenue. Avec l’entrée dans la Guerre froide, les spécificités que la France partage avec le Royaume-Uni, (puissance nucléaire, appartenance au Conseil de sécurité des Nations-Unies), constituent un facteur transcendant les désaccords ponctuels qui peuvent survenir entre les deux pays. Soucieux de se prémunir contre toute reprise d’une politique allemande d’agression, la France et le Royaume-Uni concluent le 4 mars 1947 à Dunkerque, un traité d’alliance et d’assistance mutuelle

Visions politiques

De taille équivalente et dotées d’une culture similaire de la projection de forces, les deux armées doivent rester compétitives afin que les gouvernements puissent faire prévaloir leurs visions politiques. En 1992, une commission nucléaire conjointe est installée, suivie de la création d’un groupe aérien conjoint deux ans plus tard. En 1996, lors de la guerre en Bosnie, la création d’une force de réaction rapide commune sera même évoquée. 

Néanmoins, cette confiance mutuelle est constamment mise en balance avec d’un côté l’ʺatlantismeʺ de Londres (la ʺrelation spécialeʺ avec les Etats-Unis) et l’ʺeuropéismeʺ de Paris. Pour autant, face à des défis protéiformes aux portes de l’Europe, la complémentarité en matière de défense et de sécurité constitue la pierre angulaire d’une relation bilatérale, inscrite dans le marbre au travers de traités renouvelés.

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