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1944, la résistance bretonne à Saint-Marcel

Texte : LTN Robin MARTEAU, Département Histoire de l’Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan

Publié le : 03/06/2024. | pictogramme timer Temps de lecture : 5 minutes

Le 5 juin 1944, les premiers soldats de la France Libre sont parachutés en Normandie au cours d’une opération de préparation au débarquement allié. Les parachutistes français organisent alors un maquis emblématique, à Saint Marcel dans le Morbihan, aujourd’hui terrain pour la formation tactique, historique et mémorielle des élèves-officiers de l’Académie de Saint-Cyr.

Le 6 juin 1944, les armées alliées doivent établir une tête de pont derrière les plages normandes pour acheminer rapidement les hommes et le matériel stationnés en Grande Bretagne. Cette masse critique est nécessaire à la victoire contre l’Allemagne nazie. Les planificateurs du débarquement craignent en effet d'être repoussés sur les plages par des forces allemandes qui se concentreraient sur les côtes : une difficulté majeure de l'opération amphibie

A l'échelle stratégique par l'ouverture d'un front en Europe occidentale qui déleste l'armée rouge à l'Est, comme à l'échelle opérative du débarquement en France, la victoire passe par la dispersion des forces allemandes. Pour entraver une telle concentration, les Alliés décident de parachuter des hommes du Special Air Service (Unité des forces spéciales britanniques) sur le territoire français, le Jour J. 

Ils ont pour mission de saboter les voies ferrées, les lignes de communication et mener des embuscades contre les convois allemands. L’objectif est à la fois simple - freiner la progression ennemie vers les plages normandes pour donner le temps à la logistique alliée de se déployer en Normandie – et complexe à réaliser du fait de l’asymétrie entre des troupes commandos, par définition légères, et des forces d’occupation. 

Pour la Bretagne, la mission est confiée aux hommes du 2e régiment de chasseurs parachutistes de la France Libre, alors 4e bataillon du SAS britannique dont l’art de combattre par des raids audacieux derrière les lignes ennemies se prête particulièrement bien à la tâche. 

 

Une base de soutien pour les opérations commandos

Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, deux groupes de 9 hommes (des sticks), commandés par les lieutenants Marienne et Deplante, sont parachutés dans le secteur morbihannais, au nord de Vannes. Dès leur retour sur le sol français, ils sont confrontés à des troupes supplétives allemandes venues du front de l’Est qui tuent le caporal Bouétard, premier mort français de l’opération Overlord (nom de code du débarquement allié).

Les deux sticks SAS français finissent par établir le contact avec des résistants. Ces derniers les guident jusqu’à un terrain de parachutage secret près de Saint-Marcel où ils s’installent le 7 juin : la ferme de La Nouette. Les opérations de largage commencent dès la nuit suivante, et la ferme devient rapidement une base de soutien pour les opérations commandos dans le sud de la Bretagne. Les résistants de la région affluent et un camp s’organise sous la direction des SAS français. Leur chef en Angleterre, le commandant Bourgoin, rejoint le site, parachuté avec le reste de son régiment, et ce malgré un bras perdu en Tunisie contre l’ennemi. 

Désormais, chaque nuit, 45 tonnes d’armes, de munitions et de matériels sont larguées par conteneurs afin d’armer les détachements de résistants. La puissance logistique et aérienne alliée permet de transformer La Nouette en véritable camp militaire. Les bataillons résistants de la région envoient des détachements pour être armés et formés à Saint-Marcel. 

Une répression féroce

L’opération est risquée pour les Alliés tant l’asymétrie entre le maquis et les forces régulières allemandes est grande, mais le gain potentiel – la perturbation des arrières allemands – est, d’un point de vue opératif, substantiel au regard des forces engagées. Celles-ci représentent en effet une goutte d'eau dans le torrent logistique qui se déverse en Europe depuis la Normandie à partir du 6 juin

Après l’attaque de deux véhicules de la Feldengendarmerie à l’entrée du camp le 18 juin 1944, l’armée allemande décide d’assaillir le maquis. Les 2 500 hommes de Saint-Marcel tiennent pendant une journée. Néanmoins, face à des forces régulières, malgré un appui aérien obtenu par le commandant Bourgoin, SAS et résistants doivent se disperser. 

Pour se venger des hommes de Saint-Marcel, qualifiés de terroristes par la propagande allemande, la Wehrmacht (armée du IIIe Reich) organise une répression féroce, massacre civils, résistants et SAS capturés. Mais prise à la gorge et menacée sur ses arrières, elle ne peut empêcher la marche des Alliés depuis la Normandie. La Bretagne est libérée en août par l’armée du général Patton, appuyée par des résistants armés, encadrés par des SAS.

 

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