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S’enterrer pour mieux attaquer dans la tranchée de combat

Texte : CNE Anne-Claire PÉRÉDO

Publié le : 13/03/2023.

Associées à la Première Guerre mondiale, les tranchées sont pourtant un sujet d’actualité. La situation internationale invite à s’interroger sur leur utilisation. S’enterrer, c’est se protéger des éclats d’obus pour ensuite mieux attaquer un ennemi désavantagé. Un atout dans un combat défensif contre un ennemi symétrique. Au CENTAC-1er BCP, les unités peuvent s’aguerrir dans une tranchée d’entraînement sans cesse améliorée.

Dans la brume hivernale, le lieutenant Émilien avance dans une étroite tranchée dissimulée dans le paysage champenois. La cavité, assez profonde pour se déplacer debout sans être vu, relie de multiples postes de combat. Dans l’un d’eux, un trinôme est posté depuis sept heures du matin. Sous terre, l’odeur d’humus est prenante et l’obscurité étouffante. Chacun fixe son secteur d’observation respectif. Il est neuf heures.

Émilien les rejoint : « Les gars, attention. Les éléments de renseignement ont détecté de l’activité. L’ennemi est là. Ouverture du feu à votre initiative ». Il s’extirpe et se faufile à travers le dédale pour atteindre un autre groupe. Sa mission ? Tenir le point d’appui face à un adversaire qui avance à bord d’engins blindés. Ce scénario n’est pas celui d’une reconstruction historique. Il se passe au Centre d'entraînement au combat - 1er bataillon de chasseurs à pied (CENTAC-1er BCP) à Mailly-le-camp en janvier dernier.

Le lieutenant appartient à la “force adverse” armée par le 16e BCP en renforcement du 5e régiment de dragons. Face à lui, une unité en contrôle depuis huit jours à Mailly. La tâche est rude pour elle : le combat de tranchée est l’un des plus difficiles. « La section d’Émilien est camouflée et à l’abri des tirs directs, elle a eu le temps de déterminer les axes d’effort de l’ennemi et de valoriser le terrain avec des mines et du barbelé », précise le capitaine Érik, référent génie au centre. Le rapport de force n’est pas favorable.

 

Le saviez-vous ?

Si tous les soldats doivent savoir creuser des abris sommaires, les sapeurs apportent des moyens pour construire des postes missiles en quelques minutes. Le complexe défensif de la Vigne Ménager du CENTAC-1er BCP existe depuis 2020. Mesurant environ 250 mètres, elle est régulièrement entretenue par les régiments du génie sur la base du volontariat car la terre est un élément vivant qui bouge. Leur connaissance est donc indispensable pour la durabilité et la sécurité du dispositif. Le toit de certains abris est par exemple composé de rails de fer dont l'espacement nécessite des calculs précis.

L’affrontement face à face

Dix heures. Au loin, des tirs se font entendre. Les éléments ennemis approchent et cherchent à déterminer la position de la section d’Émilien. Par radio, le lieutenant demande à ses éléments de renseignement de poursuivre leur progression à l’est, dans la forêt. Au nord, il envoie une équipe d’infanterie lui rapportant des bruits de pas. À peine le lieutenant a rééchelonné ses appuis anti-char, qu’un groupe surgit d’un bosquet.

Depuis les lignes fortifiées, ses hommes ripostent. Émilien déplace ses appuis au fil des comptes rendus radio. Protégés de l'œil ennemi, les combattants le sont aussi des moyens optiques : enterrés, les hommes et leurs véhicules ne révèlent aucune ʺsignature thermiqueʺ. Par ailleurs, le recours aux tranchées réduit l’efficacité de l’artillerie grâce à une construction en "zigzag. Cela oblige les troupes adverses à débarquer de leurs véhicules pour se déplacer à pied.

L’histoire l’a montré, l’affrontement final se passe souvent les yeux dans les yeux. « Je ne me suis jamais entraîné dans cette configuration, raconte le lieutenant. Cela exige de commander encore plus au contact tout en ajustant sa stratégie à l’instant T. » Après trente minutes, les assaillants se replient mais il le sait : ils vont revenir.

Les tirs fusent

Un ultime message tombe à onze heures. L’ennemi est à l’est. Il arrive. Émilien répartit immédiatement ses soldats. Les couloirs de terre sont une vraie fourmilière. Génie, artillerie, infanterie… Il veut combiner les effets et provoquer le contact. « "La guerre de tranchée″ n’est pas synonyme de combat statique, insiste le capitaine Érik, chef de la cellule génie du CENTAC-1er BCP. À la différence de la Grande Guerre, les soldats n’ont pas vocation à rester et vivre dans la tranchée. Elle est un moyen d’action temporaire dans une tactique plus globale. » Toutes les armes sont pointées vers la clairière d’où jaillissent des hurlements. « Assaut, assaut, assaut. »

La force adverse sort de la végétation et tente de contourner le dispositif. Les tirs fusent. Le lieutenant, avec une dizaine d’hommes, sort de la tranchée et l’encercle. Une offensive permise par des éléments postés en couverture. Une demi-heure après, il est soulagé : sa mission est remplie. « Fin de l’exercice », lancent les ʺobservateurs arbitres conseillersʺ du CENTAC-1er BCP. Aux abords de la tranchée, le lieutenant a la réussite modeste. Malgré sa mission réussie, l'ennemie lui a infligé de lourdes pertes. Les vapeurs de poudre surplombent le sol. La clef de sa victoire : la résilience morale.

Le saviez-vous ?

Même si elles n’ont jamais été autant utilisées que lors de la Première Guerre mondiale, les tranchées ne datent pas de cette époque. Depuis la période moderne (XVIIe XVIIIe siècles), des tranchées ont été creusées pour le siège des places-fortes et des villes. La poliorcétique (l’art du siège) est alors savamment organisée : les tranchées sont construites selon trois séries de parallèles :
- les tranchées de combat (1re ligne) ;
- les tranchées de soutien (2e ligne) ;
- les tranchées de réserve (3e ligne).
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