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Saber Guardian, franchir le Danube

Texte : CNE Eloïse ROSSI

Publié le : 14/06/2023 - Mis à jour le : 15/06/2023.

Summum de la formation professionnelle, Saber Guardian est une activité opérationnelle qui s’est déroulée en Roumanie, sur le fleuve Danube, dans les régions de Dobrogée et de Grande-Valachie, du 29 mai au 9 juin. Cet exercice offensif divisionnaire a permis d’évaluer les capacités de franchissement multinationales disponibles.

Des détonations claquent sur l’autre rive, les tirs d’artillerie s’intensifient. Deux F-16 fendent le ciel, puis les zodiacs s’élancent à la conquête de la tête de pont. Les hélicoptères de combat rasent la berge pour sécuriser la manœuvre. Traverser le Danube et conduire une action offensive, telle est la mission des 1 700 soldats multinationaux déployés à Bordusani pour l’exercice Saber Guardian.

Prépositionné à Cincu, le capitaine Rémy est commandant de la compagnie Génie du multinational battlegroup Aigle. Sa compagnie fait partie des 800 sapeurs déployés sur l’exercice. Il précise : « Ma mission, en tant que Génie combat est de saisir la tête de pont et de faire avancer la force. Pour cela je brèche des obstacles, je rétablis des axes. Je dois agir vite car nous ne devons pas permettre à l’ennemi de se remettre du choc de l’armée qui franchit. Nous adaptons le terrain en optimisant les positions défensives ou en créant des obstacles pour contraindre la manœuvre de l’ennemi ».

Cet exercice en terrain libre est essentiellement une manœuvre de franchissement et déploie des moyens du Génie interalliés toutes spécialités confondues. Si les engins blindés du génie du capitaine Rémy ne passent pas inaperçus, il reconnaît n’avoir jamais vu autant de moyens Génie au même endroit. « Sur le plan technique et au niveau de la doctrine nous sommes interopérables. Les moyens français franchissent grâce aux moyens alliés. »

« Finesse de coordination »

Plus de 600 mètres séparent les deux rives du Danube et les 120 véhicules tactiques s’élancent dans une chorégraphie parfaitement orchestrée. Un pont flottant est déployé par les sapeurs roumains, des portières américaines, bulgares et néerlandaises sont poussées par des propulseurs, une embarcation de la Marine roumaine charge 3 chars Leclerc et leur dépanneur. Moyens de franchissement continus ou discontinus, pour une capacité légère ou lourde, arment le dispositif. Le Danube est un fleuve capricieux. Au milieu, le courant est violent, ce qui conditionne la puissance des propulseurs ainsi que le poids des véhicules transportés.

Parmi les observateurs invités, le général Jean-Philippe Crach, père de l’arme du Génie, fait partie du réseau Joint Chief Engineers de l’Otan où il représente son arme et sa nation. « Il est important de montrer l’intérêt de la France à cette manœuvre et l’interopérabilité est primordiale car aucune nation seule n’a cette capacité. La mise en commun des moyens dans une opération interarmes demande une finesse de coordination, » reconnaît-il.

Fluidité des manoeuvres

« Rhône, Danube, Niepr, nous devons nous préparer à ce type de franchissement avec une armée de Terre de combat. Ici nous redécouvrons le combat de corps d’armées avec l’appui à la mobilité, le combat fluvial. Nous réfléchissons à une redistribution des capacités dans nos régiments pour leur redonner une autonomie dans la préparation au combat de haute intensité. » Retrouver une fluidité des manœuvres de franchissement interarmes, reconnaître, renseigner, contraindre l’ennemi dans une manœuvre de déception, conquérir la tête de pont sont autant de savoir-faire tactiques démontrés lors de Saber Guardian.

Le saviez-vous ?

14 nations, dont 12 membres de l’Alliance ont participé à cet exercice : l'Albanie, la Bulgarie, la France, la Grèce, l'Italie, la Macédoine du Nord, le Monténégro, la Pologne, le Portugal, la République de Moldavie, la Géorgie, les États-Unis d'Amérique, les Pays-Bas et la Roumanie. Plus de 10 000 militaires étaient répartis sur les 11 sites de manœuvre.

L’interopérabilité est un travail permanent pour produire des effets militaires. « Nous franchissons avec les moyens des autres armées », insiste le caporal Joël, chef d’équipe de la section Génie combat d’Aigle : « Si demain, un conflit se déclenche ici, nous sommes tout de suite aptes à réagir. Le génie fait franchir, puis l’infanterie débarque et enfin la cavalerie. Nous sommes plus forts ensemble et avec nos alliés. Cet exercice est très opérationnel et ensemble nous sommes prêts au combat de haute intensité », conclut-il.

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