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Le nerf de la piste

Texte : CNE Justine de RIBET

Publié le : 08/08/2024. | pictogramme timer Temps de lecture : 5 minutes

Cibles prioritaires en temps de guerre, les pistes d’atterrissage assurent le poser des aéronefs et ainsi la continuité des flux logistiques. Leur sauvegarde est un enjeu majeur. En France, le 25e régiment du génie de l’Air est le seul à pouvoir effectuer, en un temps record, des réparations rapides de pistes.

« Notre mission : rétablir la plateforme pour permettre l’atterrissage d’un aéronef. » Dans un hangar de la base aérienne de Vouziers-Séchault, près de Reims, le lieutenant Guillaume, chef de la section travaux au 25e régiment du génie de l’Air (25e RGA) se tient devant ses hommes. Il est 14 heures. Le briefing avant départ vient de commencer. Tous les 2 ans, les compagnies de cette unité enchaînent exercices et préparation opérationnelle pendant plusieurs semaines afin d’être prêts pour une projection future. Le régiment fonctionne sur un principe d’auto-relève. Le maintien en condition opérationnelle (MCO) est donc indispensable. 

En dehors du hangar, les sapeurs de la 1re compagnie se préparent. Dans quelques minutes, ils se déploieront pour faire de la réparation rapide de piste (RRP) : autrement dit réhabiliter des aires d’atterrissage en vue d’accueillir, en toute sécurité, des avions transportant des forces armées ou du matériel. Primo-intervenant sur les zones de poser d’aéronefs, le 25e RGA est le seul régiment en France capable d’effectuer la construction et le MCO des pistes en un temps record. Autre particularité : cette unité de l’armée de Terre est employée par l’armée de l’Air et de l’Espace.

Sans perdre un instant

2 véhicules de l’avant-blindés s’approchent de la piste, la porte arrière de l’un d’entre eux s’ouvre et un drone est déposé sur le sol. Il s’envole pour effectuer les premières prises de renseignement sur le terrain. L’intervention de la section de travaux de reconnaissance et de dépollution est primordiale pour réaliser un état des lieux initial de la zone. Après cette étape, la section du lieutenant Guillaume peut intervenir. Celui-ci effectue une dernière reconnaissance à pied pour cibler les possibles engins explosifs improvisés cachés sous les décombres autour des cratères. « À vue d’œil, je me fais déjà une idée du volume de matériaux nécessaire pour les reboucher », souligne le lieutenant

Au total : 5 cratères dont un de 15 mètres de diamètre et pas de menace. Dans la seconde qui suit, une colonne composée de tracto-chargeurs, de bennes aérotransportables, de compacteurs et d’auto-bétonnières s’avance et se positionne sans perdre un instant. En tout, 15 engins et une dizaine de poids lourds opèrent sur site. Cette capacité de RRP répond aux engagements de haute intensité. Un premier tracto-chargeur s’active et déblaye le premier cratère. La terre et la roche recouvrent l’impact. Ici, agilité est synonyme de rapidité. Simultanément, un deuxième engin répète la même opération à quelques pas. 

16 heures de travaux en continu

La nuit tombe, néanmoins, le rythme des sapeurs ne diminue pas. Ni le froid, ni la chaleur, ni le poids des équipements, ni la présence d’un potentiel ennemi équipé de drones ne font baisser la cadence. Chacun connaît sa mission et maîtrise son matériel. Les véhicules et les soldats se croisent en ambiance tactique, en toute sécurité. Tout en étant armés, les sapeurs ont scié proprement les contours des cratères avant de passer à la phase de terrassement. 

En fonction de la profondeur de l’impact, il est nécessaire de reboucher avec un mélange de pierres concassées avant de disposer de la grave (gravas non traités). Comme un millefeuille, les couches sont minutieusement disposées et compactées. Un sapeur s’approche avec une plaque dynamique légère. Cet outil vérifie que la portance des couches est égale à 50 mégapascals. « Si l’une des épaisseurs n’est pas bonne, c’est un château de cartes qui s’effondre », explicite le chef de section. Un peu plus loin, le tambour de l’auto-bétonnière se met en mouvement. Des sacs de ciment sont versés dans l’antre de la machine qui dose elle-même la quantité d’eau. 

En quelques minutes, le béton à prise rapide est coulé et efface l’existence de l’excavation. Ici, l’erreur n’a pas sa place, un simple écart d’un centimètre peut être fatale pour un chasseur Rafale. Les premières lueurs du jour viennent éclairer les travaux des sapeurs. Ils ont été plus rapides que prévu. Au total, ce sont 16 heures de travaux en continu. 

Au vu des conflits actuels, les aéroports sont devenus une cible prioritaire. Sans les sapeurs de l’Air, les unités débarquées ne peuvent intervenir.

Le saviez-vous ?

Le 25e RGA est employé par l’armée de l’Air et de l’Espace mais composé en majorité de Terriens.

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