L’armée, entre terre et ciel

Après l’effondrement du bloc soviétique, la France est l’une des rares nations en Europe à conserver une importante composante aéroportée. L’histoire lui a donné raison. Depuis vingt ans, les opérations de livraison par air (LPA) s’enchaînent. En juillet dernier, les 75 ans de cette spécialité ont été célébrés au 1er régiment du train parachutiste (1er RTP) à Toulouse. L’occasion de revenir sur l’histoire et les transformations à venir de la LPA, dont le régiment est l’unique détenteur.

Si hier quatre tonnes de ravitaillement étaient larguées, ce chiffre a doublé aujourd’hui. Demain, vingt tonnes seront livrées grâce aux capacités d’emport de l’A400M depuis le pôle national des opérations aéroportées basé au 1er RTP. La livraison par air assure une projection rapide et discrète des forces et de leur matériel.

Elle garantit l’effet de surprise sur l’ennemi tout en réduisant l’impact logistique des troupes. Le colonel Sébastien Cabaj, chef de corps de l’unité, muté à l'été 2022, raconte : « Les États-Unis ont initié la France à la livraison par air après la Seconde Guerre mondiale, qui s’est démarquée de son allié en faisant de cette spécialité une capacité Terre ».

Conditionner plus et plus vite

Arrimeurs, largueurs sans oublier les plieurs de parachutes sont les spécialistes de la LPA. « Ce choix assure la sécurité des vols, explique le colonel. Le “livreur par air” commande, prépare et charge dans l’avion le fret à larguer. Il est normal que ce soit lui qui assure ensuite le largage. Il est le plus à même d’intervenir en cas de besoin. » Ce principe de continuité vaut aussi pour la mise à terre de parachutistes : un para largue un para.

Les spécialistes du 1er RTP connaissent l’inconfort et les risques au moment du grand saut. Ils sont aussi capables de comprendre les contraintes mécaniques, météorologiques avec lesquelles composent les aviateurs.

Héritier des unités créées entre la guerre d’Algérie et d’Indochine, le régiment n’est pas la seule formation à disposer d’équipes LPA. Les forces spéciales ont leurs propres “équipages-largage”. Mais toutes ont été formées au 1er RTP, “maison mère” grâce à son centre de formation dédié à la livraison par air. Avec l’arrivée de l’A400M, l’instruction a dû être consolidée. Si les techniques restent les mêmes, les militaires devront conditionner plus et plus vite. Un impératif imposé par le retour de la haute intensité.

Une expertise reconnue

Pour répondre aux défis de demain, le régiment s’est réorganisé avec la création en juin dernier de l’escadron d’appui à la mise à terre. Cette entité soutient les escadrons de livraison par air par des actions de formation, de pliage et de transport des parachutes. « Elle permettra au régiment d’absorber les capacités de largage de l’A400M », assure le chef de corps.

La rareté de la mission du 1er RTP attise les curiosités. Le régiment assure des missions de coopération avec plus de 15 pays dans le monde en particulier avec la 16e brigade aéroportée du Royaume-Uni.

La livraison par air est une alternative majeure pour compenser des infrastructures insuffisantes, inexistantes et pallier les situations d’isolement. L’objectif : réduire au minimum les délais de ravitaillement. Ce procédé est de plus en plus utilisé dans la région Indo-Pacifique, en Guyane notamment. « Aller là où on a besoin de nous, c’est notre mission », conclut le colonel.