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En guerre sur les hertz

Texte : ADJ Anthony THOMAS-TROPHIME

Publié le : 15/06/2023.

Les spécialistes du 44e régiment de transmissions mènent des missions d’interception et d’exploitation sur les télécommunications adverses. Ils traitent et interprètent les signaux pour en extraire l’information intéressante. En temps de guerre comme de paix, l’action de renseignement est permanente. Du 24 avril au 3 mai, un détachement a participé à l’exercice Excalibur, servant à la préparation opérationnelle d’un détachement avant projection.

Sur son écran d’ordinateur, le spectre électromagnétique de couleur oscille sous le regard attentif du sergent-chef Paulo. Casque audio sur la tête, il bascule d’une fréquence à une autre. Dans ses oreilles ? Ni musique ni publicité. Seulement un chuintement continu entrecoupé de bip saccadés. Si ces sons n’évoquent rien de prime abord, il s’agit pourtant d’un langage à part entière. « Je suis en charge d’intercepter tout ce qui est compréhensible par l’humain : des échanges radios au morse, une spécialité », explique l’opérateur d’ʺinterception, localisation, brouillage systèmesʺ (ILBS).

Le sous-officier sert aussi au centre de guerre électronique (CGE), situé dans une infrastructure protégée, au 44e régiment de transmissions (44e RT), basé à Mutzig (Bas-Rhin). Du 24 avril au 3 mai, le détachement dont il fait partie participe à l’exercice Excalibur sur le terrain. La dernière étape de sa mise en condition finale, avant une projection en opération extérieure. Au total, 16 “veilleurs de l’imprévu” sont engagés en toute discrétion sur la base aérienne désaffectée de Grostenquin, en Moselle. Ils peaufinent leur préparation tactique et technique sur le terrain en conditions rustiques.

Le saviez-vous ?

Le 44e régiment de transmissions appartient au commandement du renseignement des forces terrestres.

À l’affût du signal

Dans un premier temps, les spécialistes ont engagé le module de déploiement d’urgence (MDU). Ce système d’armes, constitué d’équipements de haute technologie dont ne sont visibles que les antennes, capte les signaux hertziens sur de très longues distances, jusqu’à des milliers de kilomètres. « En six heures, nous devons être en mesure d’installer le MDU et de mener les premières missions d’interception », rapporte le lieutenant Alexis, chef d’une section d’interception et d’exploitation de la 4e compagnie.

Le MDU est doté d’équipements électroniques et informatiques de haute technologie, à l’instar de ceux utilisés dans le centre enterré. Une fois monté, il est voué à perdurer, au cœur des opérations majeures de l’armée française. « Il faut être prêt à le déplacer si nécessaire. Cela demande à la fois de l’organisation et de la rigueur », souligne Alexis.

Sous la toile de tente, les ordinateurs tournent à plein régime. Assis devant leur poste, les opérateurs d’écoute sont à l'affût du signal pouvant apporter le renseignement de haute valeur ajoutée. L’enjeu d'Excalibur est de taille à bien des égards. « Au-delà de notre préparation tactique et de notre aguerrissement, nous menons des missions d’interception, en relation avec le CGE à Mutzig. »

Unité de l’ombre, le 44e RT1 assure en permanence une veille sur les menaces militaires étrangères pouvant porter atteinte à l'intégrité et à la sécurité de la nation et de ses forces terrestres. À partir des ondes électromagnétiques, elle collecte du renseignement dans la profondeur, avec pour champ d’action, les niveaux stratégique et opératif (théâtre d’opérations). Les spécialistes qui la servent sont en majorité des sous-officiers, hautement qualifiés, mais aussi des militaires du rang.

Identifier l’émetteur

Un système de quart est mis en place pour assurer une veille permanente du MDU. Plusieurs spécialités y sont réunies. D’un côté, l’équipe ILBS intercepte les signaux facilement compréhensibles (voix, morse, phonie). De l’autre, les spécialistes de la détection et de l’analyse des signaux électromagnétiques (DASEM) captent les signaux complexes non intelligibles, comme la transmission de données. Ses techniciens traitent ces datas et les pré-analysent. Ils sont capables d’identifier dans la minute un signal ennemi.

« Intercepter ne suffit pas. Il faut identifier le signal et le localiser », précise le sergent-chef Victor, technicien DASEM. Les interceptions sont consignées dans un procès-verbal d'écoute (PVE), avec la fréquence, l’horaire, la durée, l’identification et la localisation du signal. Ensuite, l’analyste transforme ces données techniques en information tactique pour donner un renseignement clair à l’échelon supérieur. De plus, il établit la structure et l’organisation du réseau adverse, permettant d’identifier l’émetteur principal. En lien avec la Direction du renseignement militaire et les états-majors, il réoriente les recherches si besoin.

L’expert vérifie également la fiabilité et la véracité de l’information puis la convertit en renseignement coté. Selon la devise du régiment, Rien ne craint que le silence, l’absence de signal prédit le plus souvent une action discrète de l’adversaire. « Nos travaux constituent une aide à la décision et un appui aux futures opérations », ajoute le sergent-chef Stéphane, analyste au CGE. En France ou en opération extérieure, ces passionnés sont en quête du signal prédictif. Celui qui peut changer l’issue d’une bataille.

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