Lieutenant-colonel Romain, conseiller technique cinéma
« Il faut faire des compromis »
Texte : Clémentine HOTTEKIET- -BEAUCOURT
Publié le : 13/05/2023.
Lors de sa formation à l’École de guerre Terre, le lieutenant-colonel Romain découvre une fonction méconnue: celle de conseiller technique d’écriture pour laquelle il accompagne l’équipe de production de la série “Sentinelles”. Ce cinéphile nous livre les coulisses de cette fonction qu’il a occupé bénévolement pendant deux ans. 3... 2... 1... Action !
En 2019, j’ai réalisé un mémoire sur le monde du cinéma. Pour cela, j’ai intégré la mission ”Cinéma et industries créatives“ comme conseiller technique. J’ai accompagné l’équipe de production de la série "Sentinelles". De l’élaboration d’un scénario en lien avec les armées, à sa sortie sur petit ou grand écran, le conseiller vérifie le réalisme du projet : costumes, équipements, procédures, jargon technique.
Pour autant, l’important ne réside pas dans les détails, mais dans l’image générale renvoyée au public. L’armée de Terre doit accepter de ne pas la contrôler entièrement mais de l’influencer. Cela reste une fiction. L’univers cinématographique n’est pas toujours compatible avec le réalisme tactique militaire. Dans la série "Sentinelles" par exemple, des soldats sont livrés à eux-mêmes dans le désert. Un scénario accrocheur mais très rare dans la vraie vie. Il faut faire des compromis pour faciliter la compréhension de l’intrigue et renforcer son intensité.
Au plus près de la réalité
En France, le septième art se rapproche plus du film d’auteur que du blockbuster américain. De plus, depuis le traumatisme de la Première Guerre mondiale, il présente souvent le soldat comme victime. Héritier de cette vision, le cinéma d’aujourd’hui s’attache à filmer la psychologie des personnages plutôt que des actions de combat. Cette approche débouche toujours sur le portrait d’un anti-héros et de ses failles.
Ce prisme de vue très restrictif occulte les multiples ressorts narratifs qu’offre pourtant le combat dans le milieu terrestre, en contact direct avec les populations et l’ennemi. Le format audiovisuel de la série offre par ailleurs la possibilité d’explorer plus en profondeur la vie du soldat et du groupe dans lequel il s’insère.
La série "Sentinelles", après visionnage, n’a pas renvoyé selon moi cet esprit de camaraderie qui fait la force de notre institution. Les recommandations délivrées n’ont pas toujours été suivies. Là, est tout l’enjeu de notre métier : nous ne censurons pas, nous partageons notre expérience pour que les productions soient au plus près des valeurs du combattant. »