Pas de victoire sans mémoire
Texte : Adjudant-chef Anthony Thomas-Trophime
Publié le : 12/03/2025.
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La Délégation du patrimoine de l’armée de Terre a organisé en novembre dernier un stage dédié à la protection des biens culturels en cas de conflits armés. Un sujet d’autant plus prégnant avec le risque d’une guerre de haute intensité. La formation vise à améliorer la prise en compte de cette problématique dans les opérations en réunissant des militaires et des organismes spécialisés.
« Trois points pour l’équipe bleue ! » La tension est à son comble dans l’une des salles de l’Institut national du patrimoine (INP) à Paris. Réunies autour du plateau de jeu, les équipes se rendent coup pour coup. « Dans un premier temps, je place des unités en défense près de la frontière et j’entame l’évacuation et la mise en sécurité des biens culturels », lance à ses adversaires, le lieutenant-colonel Raphaël, de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris.
Inspiré des wargames militaires, celui-ci se concentre principalement sur la protection des biens et des sites culturels. À travers ce jeu stratégique, les participants restituent leurs connaissances acquises au cours de la formation de protection du patrimoine en zone de conflits armés. Organisé du 24 au 29 novembre à Paris par la Délégation du patrimoine de l’armée de Terre (Delpat), l'événement a rassemblé des conservateurs de musée militaires et civils, des archéologues, des régisseurs de collection ainsi que des membres du Bouclier bleu et des universitaires.
« Nous accueillons aussi des militaires opérant dans les états-majors afin de les sensibiliser à ce domaine. Cela nous permet d’étendre notre réseau et ainsi apporter une aide à la décision au commandement sur le territoire national comme en opérations », ajoute le sous-lieutenant Matthieu, référent de la Delpat.
Sauvegarde de ces emprises
Depuis la Seconde Guerre mondiale jusqu’à nos jours, la protection du patrimoine contribue à préserver la mémoire afin qu’elle soit transmise aux générations futures. L'armée française l'intègre dans ses opérations militaires. Afghanistan, Mali, Irak… dans ses précédentes interventions, peu de destructions de biens culturels ont été à déplorer.
Cependant, la donne a changé, notamment avec les guerres de haute intensité (Ukraine, Irak) par l’emploi plus conséquent de munitions et une concentration plus forte des sites culturels dans les zones urbaines. Par conséquent, les armées doivent adapter les mesures de sauvegarde de ces emprises dans la conduite des opérations.
« Dans cette formation, la mixité des profils contribue à renforcer la coopération civilo-militaire en matière de protection du patrimoine. Une volonté qui émane à la fois des ministères et des organismes spécialisés en la matière », ajoute le sous-lieutenant Matthieu.
Le stage comprend plusieurs volets. Juridique avec la présentation de l’Unesco et du Bouclier bleu, suivie d’une sensibilisation sur les conventions de La Haye ainsi que le droit des conflits armés par des juristes militaires. D’autres interventions complètent le volet théorique sur les techniques d’identification, de référencement et de sauvegarde des biens culturels. Il est aussi démontré comment le patrimoine peut devenir un outil d’influence.
Théodolite et tachéomètre
Plus étoffée que les précédentes, cette troisième édition contient d’autres animations. Au musée de l’Ordre de la Libération par exemple, les stagiaires se sont initiés à la sauvegarde des biens culturels en assistant à une démonstration d’évacuation d’artefacts du musée par la brigade de sapeurs-pompiers de Paris.
Ils ont ensuite rencontré une équipe de topographes archéologues du département de l’Oise et un droniste sur le site de la tour de Montlhéry. Sur place, des instruments de mesures cartographiques et topographiques leur ont été présentés. D’abord traditionnels comme le théodolite et le tachéomètre puis plus modernes avec un drone couplé à un logiciel de photogrammétrie.
Enfin, militaires et spécialistes ont été répartis par équipes mixtes autour du plateau du jeu pour appliquer les outils juridiques assimilés au cours de la formation. Celle-ci s’est clôturée par une table ronde avec en point d’orgue, le retour d’expérience d’un conservateur ukrainien.
« Fédératrice, la Delpat a rassemblé des compétences de tous horizons, rapporte le lieutenant-colonel Raphaël. Cette étape essentielle permettra certaines réflexions, comme l'identification des acteurs ou encore comment développer une doctrine adaptée aux nouvelles menaces sur le territoire national et en opération. »
Pour 2025, la Delpat envisage une formation plus axée sur la pratique en organisant, cette fois-ci, un exercice sur un véritable site culturel.