L’EMHM face au réchauffement climatique

La Mer de Glace, plus grand glacier des Alpes françaises, est le symbole des effets du changement climatique en France. D’après les dernières mesures du glaciologue Luc Moreau, la Mer de Glace fond en moyenne de dix centimètres par jour. Rien que cet été, les relevés ont indiqué une fonte d’une quinzaine de mètres. Depuis le début des années 90, la fonte des glaces provoque des éboulements de plus en plus fréquents.

À Chamonix, à travers les vitres des bâtiments de l’école militaire de haute montagne (EMHM), le magnifique panorama du massif du Mont-Blanc est entaché par des séquelles déjà irréversibles du réchauffement climatique. Les multiples écroulements de cet été ont de quoi alerter la communauté montagnarde sur la pratique et son avenir. « Cette menace pourrait avoir un impact direct sur notre capacité à nous déplacer et à vivre en montagne », souligne le colonel Lionel Mayade, chef de corps de l’EMHM.

Cette réflexion était eu cœur de la nouvelle édition de l’International Association of Military Moutain Schools (IAMMS) tenue du 10 au 14 octobre 2022. Cette année, l’accent a été porté sur l’impact du déséquilibre climatique sur les opérations, ainsi que sur la formation au combat en montagne et grand froid. 

Comparer leur méthode

Les échanges sur le changement climatique ont pour objectif de renforcer les partenariats entre nations et de réfléchir à des pistes de solutions aux difficultés. « Les troupes de montagne ont toujours été tournées vers l’innovation : à partir du moment où l’on est confronté à une difficulté, il faut trouver des solutions techniques et tactiques. Nous nous adaptons aux contraintes imposées par le milieu », rappelle le colonel Lionel Mayade.

La force de ce meeting puise sa source dans son historique. Il s’agit d’une initiative française : en 1966, les écoles militaires de montagne de 5 pays (France, Allemagne, Suisse, Autriche et Italie), ont l’idée de se rassembler pour comparer leurs méthodes d’instruction et matériels, renforçant également les liens d’amitié qui les unissent.

Aujourd’hui, 17 nations font partie de cette association : Allemagne, Argentine, Autriche, Belgique, Canada, Espagne, Italie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni, Roumanie, Slovénie, Suisse, USA. Auxquelles il faut ajouter le centre d’excellence de la montagne de l’Otan situé en Slovénie, et des nations invitées en tant qu’observateurs comme cette année le Chili, qui pourront candidater par la suite pour rejoindre les membres permanents. Le prochain rassemblement se déroulera aux États-Unis avec pour thème la mobilité en conditions hivernales : de quoi avancer tous ensemble dans la même direction…

« Les autoroutes polaires »

Le changement climatique pourrait avoir un impact direct sur les missions de l’armée de Terre sur le territoire national, en raison de l’évolution de la nature, la fréquence et l’ampleur des catastrophes naturelles. En opérations extérieures, il ouvre de nouvelles perspectives stratégiques et opérationnelles dans les milieux montagne et grand froid notamment.

Beaucoup de pays ont aujourd’hui le regard tourné vers le Grand Nord : la fonte des glaces en Arctique ouvre de nouvelles routes maritimes appelées « autoroutes polaires ». Elles engendrent une nouvelle activité économique, mais la vulnérabilité de leur situation géographique impose à l’Otan d’adapter son dispositif. Il est désormais nécessaire d’intensifier les exercices en milieu grand froid, afin d’anticiper les chocs à venir.

L’EMHM anticipe cette nouvelle menace en adaptant au mieux le format de ses formations. L’idée est de s’exposer le moins possible aux multiples dangers de la montagne. Les Troupes de montagne, et plus particulièrement l’EMHM, doivent en permanence suivre l’évolution de leur milieu. Les experts de cette unité échangent régulièrement avec les autres acteurs du monde de la montagne (secours en montagne, compagnies de guides etc.) pour s’adapter aux évolutions futures.