L'école du grand saut
Texte : Capitaine Marine Degrandy
Publié le : 12/01/2025 - Mis à jour le : 14/01/2025. | Temps de lecture : 5 minutes
En ce mois d’octobre, certains effectuent une rentrée des classes particulière. Vincent et ses vingt-neuf camarades ont réussi les tests d’entrée de la toute nouvelle école de milieu des troupes aéroportées. Ils intègreront la première promotion de sous-officiers du domaine parachutiste. Cette nouvelle formation assure à ces futurs cadres d’arriver en unité avec un bagage technique complet. Découverte.
Malgré le calme apparent, l’École des troupes aéroportées (ETAP) à Pau est en ébullition depuis quelques jours. Trente jeunes élèves volontaires sous-officiers (EVSO) ont franchi il y a une semaine les grilles de l’ETAP. La tondeuse à cheveux a déjà fait son office. L’uniformité fait partie de l’ADN du Terrien, et s’intègre dans quelque chose de plus grand : l’esprit de corps.
Tôt le matin, la section est rassemblée. Sac devant eux, arme dans le dos, treillis impeccables, les recrues attendent l’ordre de rejoindre la salle d’instruction pour un cours de topographie. Cours qui leur servira dans quelques heures, lors leur première marche de nuit. Un panel d’émotions passe sur les visages. Excitation, appréhension, curiosité… Les âges sont variés.
Dix ans séparent le doyen du benjamin. Du haut de ses presque dix-huit ans, l’EVSO Vincent vient chercher « une certaine rigueur et discipline pour me faire grandir ». Pour lui et ses camarades, l’instruction démarre. Carte, boussoles, jumelles, les cadres brossent les indispensables pour ce “baptême” terrain. Ces modules leur confèrent une petite longueur d’avance avant leur arrivée à la maison mère des sous-officiers : Saint-Maixent.
« Capitaliser sur l’attractivité »
Cette formation dispensée à l’ETAP et précédant l’arrivée des sous-officiers à l’ENSOA est une nouveauté. Durant leurs dix mois de classes, les EVSO passent deux semaines d’acculturation dans le Sud avant de rejoindre Saint-Maixent. Une période où certains prérequis comme le tir au HK416, l’acquisition du savoir-être militaire, ou la vie en campagne sont abordés.
Après sept semaines à l’ENSOA, ils reprendront ensuite le chemin de l’ETAP pour un volet plus technique : passer le brevet, acquérir le niveau chef de groupe de saut ou encore chef de transport. Plusieurs stages s’enchaîneront jusqu’à la remise de galon à l’été. L’ETAP livrera aux unités des sergents “prêts à l’emploi”. Un gain de temps considérable se traduisant par un allégement du planning d’instruction par les unités. Pour avoir le choix de ses candidats, l’ETAP capitalise sur l’attractivité du domaine. Vincent est tombé dedans petit : « Je suis un fan de films d’action et j’ai visionné de nombreux reportages sur les armées en particulier ceux sur les parachutistes ».
À l’heure où le recrutement et la fidélisation sont les priorités de l’armée de Terre, un soldat bien formé est un soldat qui voudra rester. Pour le chef de corps, le colonel Jean-Baptiste Gailhbaud : « Avec trente sauts à son actif dès la fin de son cursus, la question de la légitimité du jeune sergent est levée. Il sera considéré par ses subordonnés à son arrivée en unité de combat ». Les jeunes cadres arriveront avec un “package militaire” complet leur donnant confiance en leur capacité à commander. Une aptitude loin d’être anodine dans la poursuite de leur carrière.
L’armée de Terre compte désormais trois écoles de milieu : une au sein de l'ETAP, de l'École militaire de haute montagne et de la 9e brigade d’infanterie de marine complète le dispositif avec une formation orientée amphibie.
« Évaluer la personnalité du candidat »
Pour le sergent Vincent, sous-officier adjoint, le filtrage démarre dès les évaluations passées aux groupements de recrutement et de sélection. Si le candidat est apte et répond favorablement aux barèmes, l’aventure continue. « Au mois de mai, des tests complémentaires ont été organisés. Nous passions dix candidats par semaine, évalués sur deux jours. L’enchaînement est rude mais largement atteignable. »
Les épreuves contribuent en outre à déceler les appréhensions quant au saut. « Les tests sont faits pour jauger leur niveau sportif mais surtout leur état d’esprit », ajoute le chef de corps. Un entretien double vient clôturer les deux jours de tests. « Ceux qui sont bons physiquement peuvent échouer lors de l’entretien », précise le sergent. La brigade forme de jeunes sergents complets sur les plans physique et intellectuel.
C’est le cas de Vincent qui s’est engagé dès l’obtention de son bac scientifique. « J’ai choisi les parachutistes car la spécialité offre une certaine polyvalence et nécessite la maîtrise de diverses compétences. Nous avons l’opportunité d’être déployés sur des missions variées sur court préavis. » Lui qui n’a pas de famille militaire possède un sens aigu de l’altruisme. « Je me suis engagé pour défendre ceux qui ne peuvent pas le faire. À travers l’uniforme, je véhicule les valeurs de la France. »