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La réserve en mission

Texte : Benjamin TILY

Publié le : 13/11/2024. | pictogramme timer Temps de lecture : 5 minutes

Inauguré l’été dernier, le Bataillon de renseignement de réservistes spécialistes collecte et décrypte des données disponibles dans des documents publics ou dans les différents médias. Armé à 100 % par des réservistes, il concrétise l’engagement de ces hommes et de ces femmes, issus du monde civil. L’unité connaît un succès rapide, laissant entrevoir l’ouverture de nouvelles compagnies pour les mois à venir.

Si Strasbourg est souvent associée à son marché de Noël qui anime ses rues, la ville abrite également une nouvelle unité : le Bataillon de renseignement de réservistes spécialistes (B2RS). Inauguré le 3 juin 2024, il est composé de réservistes. Son objectif ? Collecter et analyser du renseignement d’origine source ouverte (ROSO), c’est-à-dire accessible dans les publications diverses et en particulier sur Internet et les réseaux sociaux. Cette initiative s’inscrit dans l’objectif ministériel de doubler la réserve.

« J’ai proposé l’idée d’utiliser une réserve spécialisée. Une opportunité pour la jeunesse de mettre à profit ses connaissances au service de l’Institution », déclare le général Danès, à la tête du Commandement des actions dans la profondeur (CAPR). Cette unité, axée sur des compétences civiles rares, recrute dans divers domaines : le sergent Solène est spécialiste ROSO depuis février et étudiante en mathématiques et informatique à l’université de Strasbourg. « En m’engageant j’apporte une aide à mon pays ».

Sa formation pourra lui servir, à terme, pour développer des outils informatiques optimisant la recherche de données. Les autorités et organismes ayant un besoin d’information ou de renseignement expriment leur demande au Centre du renseignement Terre (CRT), qui fait appel à l’ensemble des capteurs, dont le B2RS, pour y répondre. Sa mise en place a été rapide : l’idée émerge en juin 2023 chez le général Danès. 

Début 2024, les premières fiches de synthèse sont produites. Certaines sont présentées au chef d’état-major de l’armée de Terre, en réponse à ses questions. D’ici la fin de l’année, sur le site de Strasbourg, le B2RS atteindra deux cents réservistes. « Je mesure l’utilité et l’importance du développement de ce bataillon à mesure que la demande en ROSO croît », souligne le colonel Glises, chef de projet de la montée en puissance du bataillon.

« Enquêteurs numériques »

Chaque réserviste suit une formation initiale de trois jours visant à le familiariser avec le monde militaire suivi d’un volet technique de ROSO, comme la recherche d’image inversée ou par mots-clés. « Je développe ma culture générale et ma technicité tout en apportant ma vision civile », note le sergent Solène. 

« Nous abordons des sujets que personne n’irait explorer », ajoute le sergent Sébastien. Pour assurer leur justesse d’analyse, les spécialistes croisent les sources. « Il faut entre cinq et dix provenances qui confirment la même chose pour considérer la source comme fiable », précise le sergent Solène. Pour les accompagner, des cadres d’expérience sont présents.

Dans l’open space, les enquêteurs numériques ou “osinteurs” explorent leurs sujets et mettent en forme leur produit pendant que les analystes (souvent plus anciens) les vérifient et en synthétisent le contenu. La cellule qualité examine ensuite les fiches avant de les transmettre au CRT et de les intégrer dans une base de données utilisable par l’armée de Terre.

« Les écrits restent »

Au quotidien, chacun a besoin d’être informé pour agir. Pour le chef militaire, le renseignement est essentiel afin de déterminer comment remplir sa mission, contre quel adversaire il va opérer, quelle réaction celui-ci pourrait avoir et comment l’empêcher d’atteindre son objectif. 

« On dit souvent que les paroles s’envolent, mais que les écrits restent, c’est encore plus vrai sur Internet. Un simple texte en ligne doit être lu et répertorié quelque part. Au B2RS, nous les mettons à disposition des personnes qui doivent en prendre connaissance », détaille le sergent Sébastien. 

Au vu du succès de cette expérimentation, le général Danès envisage d’ouvrir des compagnies de ce bataillon dans d’autres pôles universitaires, là où se trouvent les compétences utiles. Les prochaines cibles : Paris et Toulouse. L’objectif d’atteindre 1 500 membres d’ici 2027 est réalisable. Bien que le recrutement soit surtout axé sur les étudiants, tous les profils peuvent candidater, y compris des réservistes déjà engagés. Ces nouveaux centres permettront de répondre aux besoins futurs.

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