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École de renseignement de l’armée de Terre : connaître son ennemi pour mieux le combattre

Texte : Romain LESOURD

Publié le : 26/07/2023.

Du 26 au 28 juin, des lieutenants de l’École de renseignement de l’armée de Terre ont participé à une formation à l’Institut national de recherche en sciences et technologiques du numérique. Clôturant leur apprentissage, ce stage leur a permis de découvrir les exigences du renseignement stratégique.

Le lieutenant-colonel Laurent donne le ton : « Ce que vous écrirez pourrait être lu par le président de la République ». Face à l’officier de la Direction du renseignement militaire (DRM), treize lieutenants de l’École de renseignement de l’armée de Terre (ERAT). À l’issue de leur année de formation, certains iront en régiment, d’autres intègreront les services spécialisés de renseignement. Mais avant de rejoindre leur affectation à l’été, une dernière leçon les attend. Se former à l’aide à la décision au profit des plus hautes autorités militaires. 

Pendant trois jours, ils participent à un jeu proposé par l’Institut national de recherche en sciences et technologiques du numérique (INRIA) dans le cadre d’un accord bilatéral avec la DRM : Intelab. Proposant différents scénarios, Intelab plonge les joueurs dans une situation de crise. L’objectif : récupérer et analyser du renseignement, afin d’établir un compte rendu destiné aux décisionnaires.

Pour cela, les officiers ont dû faire un bond en arrière de dix années. Ils ont travaillé sur la révolution libyenne de 2011. « En plus de les plonger dans l’histoire, cet exercice a une valeur prospective », confie le lieutenant-colonel. Scindés en deux groupes, les joueurs étudient les troupes loyalistes de Kadhafi en détail : déplacements des belligérants, force de frappe, effectifs, moral des troupes…  En utilisant des sources variées, ils cherchent à mieux cerner les menaces dirigées par l’ennemi. Ceci contribue pleinement à l’élaboration des options militaires par les autorités. Une initiation au renseignement stratégique.

Des capteurs variés

Le renseignement stratégique correspond à la volonté d’en connaître le maximum sur la force adverse pour la combattre : « Qui connaît son ennemi comme il se connaît, en cent combats ne sera jamais défait ». Pour récolter de l’information, les analystes ont recours à des sources, des médias, des ressources numériques ou des capteurs, satellites par exemple.  

Grâce à ces capteurs variés, ils reçoivent les éléments nécessaires en temps réel. « Ce travail nécessite une rapide transmission de données pour créer une connaissance à destination du chef opérationnel », souligne Thierry Assonion, conseiller défense chez INRIA. Pour l’exercice, les lieutenants ont bénéficié de l’appui de quatre animateurs qui ont joué le rôle des capteurs : « On leur ventile une foule de renseignements sur les troupes kadhafistes afin qu’ils puissent établir des réponses aux questions des autorités », résume François, capitaine de l’ERAT et membre de l’équipe animatrice.

Pour répondre aux attentes des décisionnaires, les joueurs ont dû sélectionner ce qu’ils jugeaient pertinent dans la masse d’informations. Le tout en restituant les éléments capitalisés en quelques phrases concises. « La réelle difficulté de cet exercice a été de déterminer ce dont nous avions réellement besoin et d’aller droit au but », avoue le lieutenant Pierre. Une situation qui démontre la complexité du renseignement stratégique : savoir prendre de la hauteur.    

« Imaginer d’autres outils »

Avec la transformation de l’armée de Terre, le monde du renseignement est appelé à s’adapter. Auparavant, trois capteurs primaient dans cet environnement : le renseignement d’origine humaine, électromagnétique et via l’image. Désormais, les regards se portent vers le domaine cyber.

Conscient du changement d’orientation, l’INRIA concentre ses efforts sur de nouvelles idées capables de répondre aux problématiques liées au milieu numérique. « Nous travaillons étroitement avec le COM Cyber. Nous identifions ses besoins et essayons d’y répondre » commente Frédérique Segond, directrice de la mission défense et sécurité de l’INRIA. Au-delà de ses nouveaux objectifs, l’établissement repense sans cesse ses activités destinées aux militaires mais aussi aux industries : « La formation de l’ERAT nous permet de travailler de nouveaux scénarios, mais aussi d’imaginer d’autres outils », poursuit la chercheuse.

Du côté de l’ERAT aussi, l’évolution est de mise. Entre augmentation des effectifs et mise en place de nouveaux exercices, la filière doit suivre les évolutions pour s’assumer comme une force sur laquelle il faut compter. « Cette formation permet aux lieutenants de comprendre l’importance opérationnelle de leur domaine. Et avec les nouveaux défis technologiques, on prend davantage conscience de l’intérêt du renseignement », conclut le lieutenant-colonel Raphaël, chef de division de l’ERAT.       

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