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Balayer le danger avec les dépoussiéreurs

Texte : CNE Eugénie LALLEMENT

Publié le : 13/05/2023.

Dans le monde du renseignement et de la contre-ingérence, les dépoussiéreurs décèlent et neutralisent les dispositifs de captation de l’information. Dans tous les endroits liés à la Défense, des coulisses du pouvoir jusqu’aux ambassades, ces agents de l’ombre nettoient tout sur leur passage.

Dans le bureau du gouverneur militaire de Paris (GMP), trois hommes au style décontracté s’affairent ce 20 janvier. Vêtus de polos noirs, de pantalons-cargos beiges et de chaussures de trek, ils ouvrent des mallettes posées au sol. Ils ne ressemblent ni à du personnel d’entretien, ni à des techniciens ordinaires. L’un d’eux se tient devant l’immense toile accrochée sur l’un des murs. Sous le regard inquisiteur de Louis XIV, il semble scanner l’oeuvre, à l’aide d’un appareil télescopique. Ces intrigants visiteurs sont des agents de la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD).

Appelés les “dépoussiéreurs”, ils cherchent tout dispositif d’ingérence dissimulé, susceptible de capter de l’information classifiée ou très sensible. « Nous opérons sur des infrastructures, mais aussi des engins et des objets liés au monde de la Défense », précise le capitaine Blaise, chef d’équipe. Bureaux des ”très hautes autorités“, salons de l’armement, aéronefs et véhicules à usage gouvernemental, présents diplomatiques, etc. Ces discrets émissaires n’interviennent que sur demande d’une entité militaire ou institutionnelle, sur tous les continents. Et leur planning ne désemplit pas. En cas de suspicion de piégeage, le service peut envoyer un détachement en urgence.

« Aucune trace »

Avec sa superficie et son mobilier de style Renaissance, le bureau du GMP « nécessite environ quatre heures de travail », souligne le capitaine. La durée excède rarement une journée et s’effectue le plus souvent de nuit. Le détachement projeté est modulable en fonction du besoin. Le rôle du chef d’équipe est de prendre contact avec l’entité, généralement l’officier de sécurité, pour récolter le maximum de renseignements en amont, tels que les plans et la structure de la pièce (présence de faux-plafonds).

Moins il y a de personnes au courant de leur présence, mieux c’est. Une fois sur place, photographier l’espace est essentiel pour le remettre dans son état initial. « L’idée est de ne laisser aucune trace de notre passage », souligne l’adjudant-chef Henri, l’un des deux techniciens. Tout est passé au crible.

Du sol au plafond, en passant par les murs, les meubles et les objets. La recherche est à la fois physique, avec le démontage des éléments pouvant l’être, mais s’applique aussi aux domaines de la radioélectricité et de la téléphonie, à l’aide d’appareils prévus à cet effet. « Nous utilisons des équipements connus dans le milieu industriel, comme les caméras thermiques, ainsi que du matériel très sensible », ajoute-t-il.

Horaires atypiques

Ne demandez ni l’organigramme, ni l’effectif du service, ils sont tenus secrets. Les profils recherchés sont des hommes et des femmes issus des trois armées avec une première partie de carrière dans les forces, dotés de bases dans les systèmes d’information et télécommunication. « Le métier requiert une appétence pour la technique et un savoir-être indispensable. La porte n’est toutefois pas fermée à d’autres profils », souligne le capitaine.

Les agents se forment sur les matériels sur le terrain, en interne et auprès des industriels. « La spécialité ”dépoussiéreur“ n’existe pas. Aucune formation spécifique n’est développée », relève l’adjudant-chef Benjamin. Environ deux ans sont nécessaires à un technicien pour être autonome. Il reste minimum quatre ans à son poste. Beaucoup terminent leur carrière militaire dans le service.

Les adjudants-chefs Benjamin et Henri s’épanouissent au quotidien. Malgré leurs horaires atypiques et leurs déplacements fréquents, ils parviennent sans peine à concilier leur activité avec leur vie familiale. Ils ont la chance d’accéder à des lieux d’ordinaire impénétrables.Tous deux évoquent un métier passionnant et une équipe soudée, autour du culte de la discrétion propre au renseignement.

Le saviez-vous ?

Les dépoussiéreurs emportent toujours avec eux un aspirateur à main car lorsqu’ils déplacent les meubles ou les objets, la poussière s’envole. D’où l’origine du nom.

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