Partenaires et alliés
Texte : Capitaine Eugénie Lallement
Publié le : 12/01/2025.
La France entend peser et exprimer sa solidarité stratégique avec ses alliés et partenaires. Ses armées doivent lui permettre d'assumer des responsabilités de nation-cadre, pourvoyeuse de sécurité en Europe et au-delà. Les relations internationales militaires permettent de tisser des liens de confiance nécessaires dans une dynamique d’intérêts partagés et constituent un investissement à long terme. Dans un monde marqué par des défis transnationaux croissants - terrorisme, cybermenaces, instabilité géopolitique -, la coordination renforcée entre acteurs politiques, militaires et industriels devient un levier indispensable pour préserver la paix et renforcer la résilience collective. Ce dossier explore comment ces relations se traduisent concrètement, à travers des témoignages d’experts européens, des modèles de formations internationales, des partenariats industriels et des travaux menés localement par les forces prépositionnées et de souveraineté.
Acteur stratégique des relations internationales
L'armée de Terre inscrit son action sur l'ensemble de la scène internationale. Les relations qu'elle entretient avec ses alliés et partenaires lui permettent de renforcer la connaissance et la compréhension mutuelle, de favoriser l'interopérabilité et de renforcer la présence française à l'international. Le Bureau des relations internationales de l'état-major de l'armée de Terre supervise et organise l'action de l'armée de Terre dans ces domaines.
La coopération : renforcer les alliances
Dans un contexte géopolitique complexe et changeant, la coopération avec nos partenaires et alliés est indispensable. C'est naturellement le cas au sein de l'Otan ou de l'Union européenne. En plus de renforcer l'interopérabilité entre armées de Terre, elle rassure nos alliés sur nos capacités et notre volonté à nous tenir à leurs côtés en cas de nécessité. Récemment, l'exercice Brunet Takamori 24, qui s'est déroulé au Japon avec la 6e Brigade légère blindée, a confirmé la nécessité de multiplier les échanges dans la région Indopacifique où vivent 1,6 million de citoyens français. Cette coopération s'appuie également sur les partenariats militaires opérationnels, prioritairement axés sur la formation et l'entraînement au combat. Ils développent la connaissance mutuelle et la fraternité d'armes entre armées de Terre alliées.
La formation : bâtir une culture stratégique partagée
Les échanges dans le domaine de la formation favorisent la construction d'une culture stratégique commune entre alliés. Chaque année des stagiaires étrangers sont accueillis dans les écoles de l'armée de Terre, qui envoient, en retour, des stagiaires français à l'étranger. Depuis 2024, des officiers de pays partenaires servent dans l'encadrement des écoles de formation initiale de l'armée de Terre. Cette nouvelle offre contribue à d'avantage de réciprocité dans nos relations, notamment avec les armées africaines qui le souhaitent. Ces cursus, du lycée militaire au Centre des hautes études militaires en passant par l'Ecole de guerre, contribuent à créer des liens durables et à faire émerger des intérêts communs entre alliés.
Le soutien aux exportations : une interopérabilité matérielle et doctrinale
Au-delà des dimensions économiques, le partage de matériels et d'équipements militaires constitue un levier de convergence entre alliés. En accompagnant ces exportations, le BRI contribue à l'établissement d'une interopérabilité entre l'armée française et ses partenaires, favorisant ainsi une cohérence des doctrines et règles d'emploi. Dans une démarche d'intégration encore plus forte, l'armée de Terre développe le projet CaMo (capacité motorisée) avec les armées de Terre belge et luxembourgeoise. Une brigade belge équipée des véhicules et systèmes de commandement Scorpion sera, à terme, totalement interopérable avec les unités françaises.
Des rencontres stratégiques au plus haut niveau
Les réunions de haut niveau entre dirigeants militaires permettent d'aborder des sujets stratégiques, de renforcer les liens et de favoriser la convergence des positions. Chaque année, le chef d'état-major de l'armée de Terre (Cemat) reçoit ses partenaires, se déplace et participe à plusieurs rencontres internationales ou salons d'armement. En coordination avec les attachés de défense, le BRI synchronise et prépare ces rencontres au profit des plus hautes autorités de l'armée de Terre.
Pour une Europe de la Défense
L’agression de la Russie contre l’Ukraine a relancé les discussions sur la défense européenne. Un chantier déjà en cours comme en témoigne l’adoption de la Boussole stratégique en mai 2022. Cette politique de sécurité commune passe par un dialogue permanent entre les instances militaires et politiques.
Général de brigade Xavier Mouret, représentant militaire et de défense adjoint auprès de l’Union européenne.
« Au sein de l’Union européenne, les militaires garantissent une réactivité maximale face aux crises. Notre expertise nous permet de prendre des décisions rapides et percutantes, comme lors des opérations d’évacuation au Soudan en 2023. Autre exemple, la création de la mission EUMAM Ukraine incarne l’efficacité de l’approche intégrée européenne. Celle-ci unit diplomatie et force militaire et transforme la décision politique en actions sur le terrain, comme le montre la formation de la brigade Anne de Kiev en Champagne.
Ces succès montrent que l’Europe, quand elle combine ses ressources politiques et militaires, peut protéger ses citoyens et partenaires, avec efficacité et détermination. L’outil militaire peut ainsi s’inscrire dans le temps long des relations internationales. À l’avenir, notre défi consistera à concilier les visions nationales et définir une stratégie européenne commune, avec l’opportunité pour l’armée de Terre d’influencer la défense européenne.
La Boussole stratégique et la montée en puissance de la Rapid Deployment Capacity, en constituent les premiers jalons. Face à des menaces globales, l’Europe prend une place stratégique. L’armée de Terre la renforce et lui permet d’agir en leader dans tous les domaines de contestation (cyber, espace, lutte informationnelle). L’Europe doit en outre se doter des moyens de sa souveraineté en investissant dans des projets industriels communs pour assurer son autonomie stratégique et sa compétitivité mondiale. Il s’agit de disposer demain d’outils pragmatiques conçus par nous et taillés à nos besoins pour mettre en place une défense efficace et résolue. »
Charles Fries, secrétaire général adjoint du Service européen pour l’action extérieure en charge de la paix, la sécurité et la défense
« Les 5 dernières années ont été marquées par une intensification de l’agenda sécurité et défense à l’échelle de l’Union européenne. L’adoption de la Boussole stratégique et la guerre en Ukraine ont été un accélérateur. Pour la première fois, l’UE a soutenu financièrement les États membres qui livraient des armes à un pays en guerre. Elle a formé dans un volume inédit l’armée ukrainienne en lançant sa plus importante mission de formation (75 000 formés d’ici la fin de l’hiver).
Le budget de l’UE ne sert plus seulement à cofinancer la R&D, mais soutient aussi les armées pour reconstituer leurs stocks et se rééquiper. Elle soutient aussi les industriels pour augmenter leurs capacités de production. Enfin, l’UE renforce ses outils de gestion de crise avec la “capacité de déploiement rapide opérationnelle” début 2025 et les nouvelles opérations/missions de politique de sécurité et de défense commune lancées au cours des dernières années en mer Rouge, en Moldavie ou en Arménie.
Malgré les progrès réalisés, nous devons demeurer lucide. Des difficultés restent à surmonter pour aller de l’avant. Les Européens doivent prendre davantage de responsabilités pour leur propre sécurité et défense. Les prochains mois seront marqués par la poursuite de notre soutien militaire à l’Ukraine, les investissements à réaliser dans nos outils de défense ou encore un renforcement de nos partenariats, notamment avec l’Otan.
Sur tous ces sujets, les armées des États membres ont été et doivent continuer à être au rendez-vous comme cela est le cas de l’armée de Terre française avec la formation de la brigade Anne de Kiev en Champagne ou encore la cession des canons Caesar tant vantés par l’armée ukrainienne. »
La Boussole stratégique est le premier Livre blanc de la défense européenne fixant un cap pour les 10 prochaines années, pour renforcer la liberté d’action et la résilience des Européens.
Mathilde Félix-Paganon, ambassadrice et représentante permanente de la France au Comité politique et de sécurité de l’Union européenne à Bruxelles
« Le Comité politique et de sécurité (COPS) se place au cœur des interactions entre les dimensions politique et militaire de l’Union européenne (UE). En tant qu’instance clé, il assure le contrôle politique et la direction stratégique des opérations de gestion de crise, comme Aspides en mer Rouge ou la force de l’UE Althéa en Bosnie-Herzégovine. Ces dernières exigent un travail de concertation entre les institutions européennes et les représentants des 28 États membres pour aligner les priorités sur les capacités opérationnelles.
C’est ici aussi que se décide le renouvellement, la prolongation ou l’arrêt du mandat d’une mission (exemple l’EUTM Mali). Depuis 2022, le Comité s’est investi dans la mise en œuvre de la Boussole stratégique, dont l’une des ambitions phares est de créer une capacité de déploiement rapide de 5 000 hommes. Assurer ce suivi, c’est veiller à ce que l’Europe se dote des moyens nécessaires pour répondre efficacement aux crises, tout en anticipant les défis capacitaires (soutien à la R&D, montée en puissance de l’appareil de production).
Le dialogue avec le ministère des Armées est essentiel. Cette collaboration apporte une vision cohérente liant stratégie et action militaire sur le terrain afin de garantir la traduction des ambitions politiques de l’UE en actions concrètes, au service de la sécurité internationale. »
Le Rapid Deployment Capacity permet de déployer jusqu’à 5 000 soldats dans une opération d’entrée en premier, dans un environnement non permissif.
Une scolarité internationale
Coopérer efficacement demande une synergie entre les partenaires. Avant de se rencontrer sur le terrain en mission, les militaires se découvrent déjà en école lors de leur formation académique et militaire. Exemple concret avec l’AMSCC qui en plus de proposer un semestre international à ses élèves, accueille dans ses rangs plus de cent-quarante sous-lieutenants d’une quarantaine de pays.
Dans son treillis, rien ne distingue l’aspirant Adoum de ses camarades, sauf le drapeau tchadien porté fièrement à l’épaule droite, au-dessus de l’insigne de l’École spéciale militaire (ESM). « Aucune distinction n’est faite entre eux, ils revêtent le même treillis, la même tenue de tradition et suivent le même programme académique et militaire », assure le colonel Bertrand, responsable de la politique internationale à l’Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan (AMSCC).
Ce brassage sert un des objectifs de formation des élèves-officiers : l’ouverture sur le monde de ces futurs chefs afin qu’elle se traduise par des liens solides et une meilleure interopérabilité en mission. Cette volonté s’intègre dans l’ambition stratégique de l’armée de Terre et prépare les officiers à un environnement complexe où la connaissance
de l’autre est fondamentale. Le choix des nationalités accueillies est établi par la Direction des ressources humaines de l’armée de Terre et l’état-major de l’armée de Terre selon les priorités stratégiques identifiées.
« À travers le monde »
Les élèves-officiers étrangers ont le choix d’intégrer l’une des 3 écoles de formation de l’AMSCC, que sont l’ESM, l’École militaire interarmées (EMIA) et plus récemment l’École militaire des aspirants de Coëtquidan. Ils représentent 10 % des élèves officiers de chacune des écoles et suivent l’intégralité de la formation laquelle en fonction du cursus peut varier de 1 à 3 ans.
Les cadets, sont quant à eux issus d’une dizaine d’académies militaires à travers le monde, et suivent un semestre de formation essentiellement académique dans le cadre des partenariats d’échange. « C’est une fierté de se voir confier une partie de la jeunesse d’un pays étranger et un gage de confiance de nos partenaires », poursuit le colonel Bertrand. Cette volonté d’ouverture vers l’extérieur passe également par l’envoi de sous-lieutenants français à l’étranger.
Une expérience leur permettant de mesurer la complexité du monde dans lequel ils seront amenés à exercer leurs responsabilités. Les “semi-directs” de l’EMIA effectuent un stage de 1 mois à l’international. Quant aux Saint-cyriens, leur dernière année de cursus prévoit un semestre à l’étranger avec la rédaction d’un mémoire.
Renforcer les partenariats historiques
Fin 2023, 4 élèves français ont été binômés avec des élèves-officiers étrangers pour partir dans le pays d’origine de ces derniers et travailler de concert sur des sujets communs. Une première, dont a bénéficié le lieutenant Hugues, actuellement en division d’application du matériel avant de rejoindre son régiment. Avec son camarade, le lieutenant Serge, il est parti au Togo. L’occasion de découvrir sa culture et de bénéficier d’une intégration simplifiée.
« Au-delà des recherches pour rédiger notre mémoire, cette expérience immersive a été d’une grande richesse humaine et culturelle », explique le lieutenant Hugues. En parallèle, l’AMSCC intègre des cadres militaires étrangers. L’initiative, lancée en 2023, s’est concrétisée par l’arrivée d’un capitaine ivoirien au sein du 1er bataillon de l’ESM. En 2024, 4 cadres officiers africains (Côte d’Ivoire, Maroc, Sénégal et Tchad) encadrent les élèves-officiers.
Cette politique témoigne d’une volonté stratégique forte visant à renforcer les partenariats historiques de la France. Cet enrichissement vient s’ajouter à la fraternité d’armes, à l’esprit de cohésion, ainsi qu’à la création de réseaux de solidarité et d’entraide qui se révèleront précieux sur le terrain.
Promouvoir le "made in France"
Troisième exportateur mondial de matériel de défense, la France dispose d’une industrie capable d’assurer la quasi-totalité des équipements nécessaires l’armée de Terre. L’internationalisation du made in France est un gage de la puissance militaire de la France. Le partenariat franco-belge « capacités motorisés », dit CaMo, en témoigne : en plus du partage de véhicules tel le Griffon, il couvre le domaine de la formation et de la doctrine.
Ingénieur des études et techniques de l’armement Thierry Sanchez, directeur du programme CaMo à la Direction générale de l’armement (DGA)
CaMo démontre l’excellence technologique de la Base industrielle et technologique de Défense française (dont KNDS France, Thales, Arquus et Eviden) et constitue une vitrine pour notre industrie. Favorisant les collaborations entre industriels français et belges, ce partenariat renforce la BITD européenne. Il crée ainsi un tissu industriel plus compétitif, suscitant l’émergence de nouvelles coopérations au sein comme à l’extérieur de l’Union européenne.
Les « performances systèmes » uniques du programme Scorpion, équipant les engins blindés CaMo, sont une opportunité de réaliser des échanges technologiques et des études en commun, voire même une production partagée et un soutien logistique mutualisé entre les pays. La DGA conduit les programmes d’armement confiés par la Belgique et contribue avec l’armée de Terre à définir les besoins utilisateurs.
Elle négocie et pilote les contrats avec les industriels et apporte son expertise technique pour livrer aux forces belges des capacités interopérables. Elle s’assure que les équipements répondent aux impératifs opérationnels. Impliquée sur toutes les phases de vie d’un programme d’armement, elle intervient aussi bien dans la phase d’utilisation opérationnelle que dans la préparation de nouveaux projets en coopération. ”
Lieutenant-colonel Erik, officier belge de programme CaMo inséré à l’état-major de l’armée de Terre.
« En 2004, la Belgique choisit de quitter sa capacité chenillée pour une armée de Terre 100 % motorisée, à l’exception de sa composante para-commando.. Cherchant un partenaire expérimenté, parmi ses voisins (Grande-Bretagne, Pays-Bas, Allemagne, France, etc), elle conclut en 2014 que la France, par sa capacité motorisée et sa vision pour le combat collaboratif, est la plus à même de l’accompagner. CaMo représente une coopération de défense inédite en Europe et au sein de l’Otan.
Ce programme tire sa force entre autres du réseau d’officiers insérés dans les états-majors et école d’armes français. Parmi eux, 30 Belges y acquièrent l’expérience qui les désignera comme futurs experts et points d’appui pour la phase 2. La Belgique recevra son premier blindé Griffon dès 2025, les Jaguar en 2026, les Caesar en 2027 et les Mepac (Griffon avec le mortier 120 intégré) en 2028.
Actuellement, la Belgique et la France coopèrent pour transformer une unité d’infanterie belge en adoptant les méthodes de travail françaises et le même équipement. Elle sera évaluée par des spécialistes français en 2026. À terme, une brigade interarmes belge et une française collaboreront au sein d’une division. L’idée ne sera plus seulement de travailler comme les Français, mais avec eux sur des projets de développement capacitaire. Désormais, nous allons vers une conception, production et acquisition conjointe de matériel. »
La Belgique achète des véhicules CaMo pour le Luxembourg dans le cadre d’un contrat franco-belge.
Nicolas Chamussy, directeur de KNDS, président du Groupement des industries françaises de défense.
« Auparavant, l’armée de Terre proposait aux industriels des prestations de Service de soutien aux exportations (Soutex). La donne a changé avec la mise en place d’une synergie plus étroite permettant aux industriels de capitaliser sur les exercices prévus par l’armée de Terre comme supports à l’exportation. On a évolué d’une logique de prestation vers une logique de partenariat.
Pour optimiser la planification des exercices, nous partageons en amont nos perspectives d’exportation avec l’armée de Terre. Cette dernière est associée au premier plan au succès de l’industrie française à l’exportation. Ceci entraîne un partage et une optimisation des coûts entre armée et industrie et établit des contrats avantageux pour les deux parties. Enfin ce Soutex NG permet une coopération à plus grande échelle, en s’insérant dans le calendrier des alliés et en s’adaptant aux exercices multinationaux et interalliés.
Les matériels français bénéficient d’une meilleure visibilité. KNDS a été l’industriel pionnier en matière de Soutex “nouvelle génération” en concrétisant une volonté commune de densifier le partenariat entre l’armée de Terre et les industriels de défense. Le Club Caesar constitue à ce titre un cas d’école. Sa première manifestation a consisté en une démonstration organisée par l’armée de Terre à Canjuers en novembre 2023 avec le 35e RAP.
Depuis, le concept a fait florès (club Mistral autour du missile du même nom) et le succès du matériel ne s’est pas démenti, bien au contraire. Outre l’extension du concept “Club Caesar” à d’autres matériels, cette démarche s’incarne dans d’autres coopérations comme les exercices Olyco qui se tiennent chaque année en Grèce autour du VBCI. Associant plusieurs partenaires, cet exercice franco-hellénique vise à mettre en avant ce matériel comme outil au service de l’interopérabilité.
KNDS a participé à l’édition 2024 pour promouvoir son offre à travers le VBCI Philoctète. Au bilan, le partenariat s’avère gagnant/gagnant : l’interopérabilité entre l’armée de Terre et ses partenaires de combat en sort renforcée et la campagne export de KNDS y trouve de nouveaux débouchés. En 2025 se tiendront dans le même esprit les Journées de démonstration des véhicules Scorpion. Les relations internationales et l’industrie de défense agissent de concert dans une démarche de complémentarité. »
Consolider des liens de confiance
Les Forces françaises aux Émirats arabes unis constituent l’une des cinq bases opérationnelles avancées à l’étranger. Leur implantation s’inscrit dans un partenariat officialisé par des accords de défense en 2009. Leur rôle : appuyer les opérations dans la région, développer la coopération militaire, aguerrir les troupes en milieu désertique et urbain. Le 5e régiment de cuirassiers stationné à Abu Dhabi, est la composante terrestre de ces forces. Explication avec le colonel Julien Terrier, chef de corps.
« Le 5e régiment de cuirassiers (5e RC) est l’échelon d’urgence Terre du Moyen-Orient, placé sous la double tutelle du commandement des Forces françaises aux Émirats arabes unis et celui de la 2e brigade blindée. Il incarne une force d’intervention rapide, capable de se déployer en urgence avec ses équipements majeurs – chars XL, canons Caesar, et VBCI – en appui des accords de défense avec les Émirats arabes unis, le Qatar et le Koweït.
En situation de crise, il peut intervenir en format léger, à l’instar de sa participation en 2021 à l’évacuation de ressortissants à Kaboul. Il participe chaque année à deux exercices bilatéraux d’envergure afin de crédibiliser sa posture opérationnelle et de parfaire son interopérabilité en intégrant un sous-groupement tactique partenaire au sein du groupement.
L’influence du 5e RC repose sur sa coopération continue avec les forces terrestres émiriennes mais également le Qatar, l’Arabie saoudite, l’Irak, le Koweït, la Jordanie et l’Oman. Le régiment s’est ainsi familiarisé en profondeur avec les spécificités des armées locales.
Développer une fraternité d’armes
L’augmentation et la diversification constantes des activités de coopération, (près de quarante en 2024), témoignent de l’attractivité de l’offre française au Moyen-Orient malgré la forte concurrence des puissances militaires étrangères. Comme l’illustre la formation des bataillons du désert irakien par la Task force Lamassu, placée sous commandement tactique du 5e RC, le succès du partenariat à la française se distingue par l’adaptation de l’entraînement à la culture militaire locale et la volonté de développer une fraternité d’armes, consolidant des liens de confiance à long terme.
Les forces terrestres des partenaires régionaux se modernisent rapidement et orientent désormais leurs demandes vers des entraînements complexes, ciblant le combat interarmes et l’interopérabilité. À l’aune des conflits actuels, ils sont intéressés par l’intégration de la capacité drones dans la manœuvre tactique. En combinant réactivité opérationnelle et coopération sur le terrain, le régiment démontre l’influence d’une armée forte d’accords solides et d’un engagement pour la stabilité régionale. »
Souveraineté et assistance
Espace sous tension, l’Indopacifique se compose de quatre sous-régions : nord de l’océan Indien, Asie occidentale, sud de l’océan Indien, Pacifique sud. La France doit protéger sa souveraineté, ses ressortissants, les flux maritimes et l’environnement. L’armée de Terre contribue à ces actions notamment grâce au régiment d’infanterie de Marine du Pacifique-Polynésie . Son chef, le colonel François Reynaud, témoigne.
Renforcer le régiment
« Le théâtre Pacifique représente un tiers de la planète et compte plusieurs foyers de tensions, notamment entre puissances nucléaires : États-Unis, Chine, Corée du Nord, Inde, Russie. La France est le seul pays européen, avec 570 000 habitants et des Forces armées en Nouvelle Calédonie (FANC) et en Polynésie française (FAPF). La loi de programmation militaire 2024-2030 marque un effort en Indopacifique, face à l’accumulation des tensions, des stratégies hybrides et les effets liés aux changements climatiques.
Tout en assurant souveraineté et assistance aux populations sur un territoire de 118 îles, vaste comme l’Europe, les FAPF œuvrent pour la solidarité stratégique. Le régiment d’infanterie de Marine du Pacifique-Polynésie (RIMaP-P) assure la protection de Tahiti, des 5 archipels et participe à des partenariats militaires, à plusieurs niveaux. Tout d’abord, il complète l’offre de formation de l’Académie du Pacifique pour nos voisins insulaires, des Kiribis et Iles Cook comme l’illustre la formation de la police des îles Cook en novembre 2024.
Ensuite, il prend part aux grands exercices HADR (Humanitarian Assistance and Disaster Relief) de la France, en renfort des FANC pour l’exercice Croix du Sud ou pour Marara aux FAPF. En 2024, le RIMaP-P a ainsi commandé un groupement tactique interarmes interalliés renforcé d’une unité des Marine Corps américains et de détachements d’Indonésie et du Tonga.
Les exercices américains dans le Pacifique cherchent à créer une interopérabilité entre alliés, hors normes Otan. Le RIMaP-P entretient un lien avec la 3rd Marine Expeditionary Force stationnée à Hawaï et venue en août dernier pour l’exercice Koa Moana. Il étudie sa participation aux prochaines éditions de Kamandag et Joint Pacific Multinational Readiness Center (exercice annuel de certification américain) non en observateur comme en 2024, mais comme unité tactique insérée.
Les Status of force agreement (accord juridique entre deux pays pour encadrer le stationnement de troupes) en négociation avec les Philippines et le Japon et ses capacités permettent d’envisager un déploiement semblable à celui de la 6e BLB pour Brunet Takamori 2024, sous réserve de moyens de projection. Or, la loi de programmation militaire prévoit l’arrivée d’un A400M sur zone et le renforcement du régiment.
La coordination entre les unités de métropole et du théâtre est primordiale pour garantir notre résilience en cas de crise, sous l’égide d’un commandement pour le Pacifique, FRPACOM, basé à Papeete et avec l’appui de l’officier de liaison Terre auprès de des Marines forces Pacific command et l’Army Pacific command à Hawaii. »
La diplomatie de mémoire
L’année 2024 marque les 80 ans de la libération de la France. Pour faire rayonner cette page de notre Histoire, la mission Libération a été créée pour organiser le cycle commémoratif en 2024 et 2025. Des cérémonies internationales ont rappelé l’importance de la mémoire collective et la nécessité impérieuse de la transmission aux jeunes générations.
Tout au long de l’année, la Mission des 80 ans des Débarquements, de la Libération de la France et de la Victoire a commémoré les grands événements internationaux de l’année 1944 (Normandie, Provence, Paris et Strasbourg), et valorisé
tous les événements locaux, sur l’ensemble du territoire français, et hors de nos frontières via les ambassades. Cette double dimension, internationale et locale, a visé un équilibre des mémoires, permettant à nos concitoyens, par leur implication (projets associatifs et éducatifs, témoignages, collecte d’objets d’époque), de faire se rejoindre leur histoire personnelle
et la grande histoire.
Mais ce fil rouge des “80 ans”, déroulé en 2024, marque surtout l’une des toutes dernières occasions d’honorer les acteurs de cette époque encore présents. Plusieurs séquences de cette commémoration resteront dans les mémoires : l’accueil triomphal des vétérans du D-Day sur le site d’Omaha Beach, sous le regard des chefs d’État et de gouvernement, le poignant discours d’un des derniers SAS français, survivant des combats du maquis de Saint Marcel, y évoquant les « chers fantômes de sa jeunesse, à jamais disparus ».
Après l’hommage aux libérateurs venus d’Afrique, aux côtés des Français libres et des Européens d’Algérie, rendu en Provence, d’autres moments ont été célébrés en particulier à Strasbourg, lieu d’accomplissement du Serment de Koufra, ou le seront en 2025 en commémoration des derniers combats.
Un lien fort entre alliés et anciens adversaires
Commençant par le ralliement des Outremers, la libération stricto sensu du territoire métropolitain débuta à l’automne 1943, en Corse. Les maquis accueillirent de nombreux travailleurs étrangers, des prisonniers évadés et des déserteurs des troupes de l’Axe. Les forces aériennes alliées étaient chargées de leur ravitaillement, et des réseaux d’aide aux pilotes abattus sur notre territoire se mirent en place renforçant les interactions entre Résistance et troupes alliées ayant débarqué.
Outre l’image de cohésion des « nations du monde libre » transmise à l’occasion de ces commémorations, ces dernières insufflent à la jeunesse un message d’espoir. Au terme de cette première année commémorative, leur implication, scolaires et membres de l’office franco-allemand de la jeunesse, a permis ce lien fort entre alliés et anciens adversaires.
Dans une même démarche, le drapeau allemand a, pour la première fois, flotté sur les plages de Normandie. Enfin, l’hommage rendu dans les cimetières de nos Alliés, mais également dans celui des soldats allemands, qui parsèment le territoire, témoigne du prix payé par la jeunesse à la Liberté.