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Le sport, trait d'union avec la nation

Texte : CNE Eugénie LALLEMENT

Publié le : 15/06/2023.

Le sport a toujours rassemblé et fédéré une nation. Par les valeurs communes qu’il partage avec l’Institution, comme la cohésion, la discipline, le goût de l’effort et le dépassement de soi, il est un outil de rayonnement des armées. Pour l’exceptionnel rendez-vous des Jeux olympiques et paralympiques Paris 2024, l’armée de Terre sera représentée par ses athlètes. En parallèle des compétitions civiles, se jouent des compétitions militaires. Ces évènements apportent là encore une visibilité auprès du grand public. La jeunesse n’est pas en reste, grâce à la création de plusieurs dispositifs sportifs. Ces programmes, adressés aux jeunes dans leur diversité, permettent de découvrir le monde militaire et de cultiver l’esprit civique. Que ce soit dans un stade ou au quartier, la notion d’identité collective est la même. Avant le début d’un match ou pour la montée des couleurs, la Marseillaise résonne avec ferveur.

Des symboles de force morale

L’armée de Champions compte désormais 206 athlètes dans ses rangs. Employés par le Centre national des sports de la Défense, ils contribuent à transmettre les valeurs de l’institution lors des compétitions internationales et concourent au développement du lien armées-nation. Un seul but : rapporter des médailles à la France et aux armées.

Martin Fourcade, Florent Manaudou, Tessa Worley. Des noms célèbres auprès du grand public pour leurs titres de champions olympiques ou du monde dans leur discipline. Plus méconnue en revanche, leur appartenance au bataillon de Joinville ou armée de Champions, du Centre national des sports de la défense (CNSD).

Employés sous statut militaire, ces athlètes, appelés sportifs de haut niveau de la défense (SHND), ont pour mission de faire rayonner le sport français, lors des compétitions sportives internationales et des jeux olympiques et paralympiques (JOP). « Le CNSD est le plus gros contributeur de l’État dans ce domaine », commente Sylvie Anoto, conseillère communication du commissaire aux sports militaires.

Leur effectif a d’ailleurs doublé depuis 2003. Ils sont désormais 208, dont 33 paralympiques, issus des trois armées, de la gendarmerie nationale et du Secrétariat général pour l’administration. Au-delà d’être des ambassadeurs des valeurs du sport et des armées, en interne comme à l’extérieur, ils incarnent la force morale et la performance physique. Deux notions-clés du code du soldat.

Incarner les valeurs

Le statut particulier des SHND les dispensent des obligations inhérentes au métier de soldat (astreinte, gardes, opex, etc.). Le CNSD leur assure un suivi socioprofessionnel et leur donne les moyens de s’entraîner et de pratiquer leur sport toute l’année. Ils bénéficient ainsi d’un soutien financier, par le versement d’une solde, d’une couverture sociale, et même d’une reconversion à la fin de leur carrière.

En contrepartie, ils consacrent une vingtaine de jours par an au centre, en participant à des compétitions militaires, des opérations de communication ou des regroupements annuels. Si la majorité d’entre eux quittent l’institution au moment de leur retraite sportive, certains font le choix de poursuivre leur parcours, comme Yasmina.

Pour les acculturer à leur armée d’appartenance, les athlètes bénéficient désormais d’un système de parrainage avec les unités. Une démarche mutuelle, visant à enraciner le sportif dans la “militarité”, pour qu’il incarne les valeurs militaires où qu’il soit. C’est le cas du SHND Kévin Lasserre, nageur spécialiste en sauvetage et secourisme sportif, qui a signé le 27 avril dernier, une convention avec le 1er régiment étranger de cavalerie à Carpiagne.

Un choix logique, que commente l’officier communication du 1er REC, le lieutenant Baptiste : « Nous l’avons choisi car sa discipline fait écho à notre centre d’instruction et d’aguerrissement commando et à la tradition amphibie du régiment ». À ce jour, 98 d’entre eux ont intégré les rangs d’une unité de l’armée de Terre.

Champions du monde

Au-delà du bataillon de Joinville, le “sport d’élite” contribue aussi au rayonnement des valeurs militaires auprès de la société civile et de la jeunesse en particulier. Derrière ce terme, se regroupent les sportifs issus des trois armées, de la gendarmerie nationale et des services, qui constituent les équipes de France militaires (EFM). Leur statut diffère de celui des SHND, puisqu’ils sont soumis à l’approbation de leur commandement pour pratiquer leur sport, en plus de leur fonction principale. Les meilleurs d’entre eux participent aux championnats du monde militaires.

Parmi les disciplines, se retrouvent notamment l’équitation, la section militaire de parachutisme sportif et le rugby. Le “sport d’élite ” peut être renforcé par les athlètes de l’armée de Champions dans les compétitions internationales. « C’est un dispositif qui a démontré son efficacité. J’en veux pour preuve les excellents résultats obtenus lors des Jeux mondiaux militaires d’été organisés en Chine en 2019 ou encore ceux d’hiver en Allemagne, en 2021 », conclut Sylvie Anoto.

Se rencontrer par le sport

Créées en 2003, les journées sport armées-jeunesse sont un moyen privilégié pour aborder les jeunes, à travers l’activité physique. Organisées chaque année sous l’égide de la Commission armées-jeunesse en métropole comme en outre-mer, elles développent le lien armée-nation et favorisent la transmission des valeurs de l’Institution auprès de ce public.

Le 9 novembre dernier, le Centre national des sports de la Défense (CNSD) à Fontainebleau, accueillait 600 coureurs pour le cross de sélection départemental de l’Union nationale du sport scolaire. Le lieutenant Jérôme, officier supérieur adjoint et correspondant jeunesse au CNSD, explique : « Ce cross fait partie du cursus de formation des stagiaires moniteurs d’entraînement physique militaire et sportif, qui l’organisent traditionnellement pour les collégiens ».

Près de mille jeunes étaient pourtant présents ce jour-là. Adossé à l’évènement, le lancement des journées sport armées-jeunesse, a permis de toucher un public plus large. Organisées chaque année depuis 2003 par la Commission armées-jeunesse (CAJ), ces journées favorisent la rencontre entre les jeunes et les forces, autour de la pratique sportive.

« L’activité physique est un bon moyen de les intéresser et de les rapprocher du milieu militaire. Les valeurs qui sont véhiculées par le sport correspondent parfaitement à l’armée de Terre, comme l’engagement, la cohésion et le goût de l’effort », développe le lieutenant-colonel Pascal, secrétaire général adjoint de la CAJ. Par ce dispositif simple, entre 15 000 et 17 000 jeunes prennent part chaque année à une activité sportive en relation avec une unité militaire. Un succès.

« Promouvoir l'esprit de défense »

La CAJ est un réseau d’une centaine d’associations et organismes de jeunesse, de réservistes et de mouvements étudiants. D’un côté, des jeunes déscolarisés ou en difficulté, issus entre autres de la Fondation des apprentis d’Auteuil, de l’École de la deuxième chance ou encore du Réseau espérance banlieues. De l’autre, des jeunes de l’Institut des hautes études de défense nationale, de Centrale Supélec ou des Mines de Paris...

« Promouvoir l’esprit de défense chez les jeunes, tout en les préparant à leurs responsabilités de citoyen sont la raison d’être de la CAJ qui réfléchit, depuis près de 70 ans sur le lien armées-jeunesse avec l’objectif d’inclure toutes les jeunesses de France », commente le lieutenant-colonel Pascal. Si la majorité des élèves présents sont des collégiens des classes de défense, tous peuvent avoir la fibre patriotique.

Ces journées leur permettent de sortir de leur quotidien, en pratiquant une activité physique avec des militaires. Lors de la journée nationale de lancement à Fontainebleau, le public est allé à la rencontre de sportifs de haut niveau, comme Axelle Etienne, coureuse cycliste, championne de BMX et marraine de l’évènement et Axel Reymond, champion de natation en eau libre. Ils ont été sensibilisés au handicap à travers des activités, comme le basket en fauteuil roulant.

Un correspondant par armée

Selon ses capacités, chaque régiment, escadron, base navale ou aérienne, est libre d’organiser ou non une journée sport armées-jeunesse, jusqu’au mois de juin, autour d’une activité comme la course, le parcours naturel, l’escalade... À l’image des ”portes ouvertes“, cet évènement leur permet aussi de présenter aux jeunes leurs missions et équipements.

Pour aider les unités, la CAJ met à disposition un kit comprenant la réglementation, les éléments de communication ou encore des t-shirts promotionnels. Un bilan est établi en juillet par chaque correspondant d’armée auprès de la CAJ, à savoir le Commandement Terre pour le territoire national pour l’armée de Terre. De par son déploiement en métropole et en outre-mer, l’armée de Terre est par excellence l’armée au contact de la jeunesse. Elle dispose de tous les atouts pour réussir ces journées.

Le saviez-vous ?

Pour la première fois depuis 1955, la CAJ est présidée par une femme, la générale de corps aérien Dominique Arbiol, directrice du service national et de la jeunesse.

Chargez !

Pour la deuxième année consécutive, l’armée de Terre a remporté le championnat de France militaire de rugby à XV. Une victoire d’autant plus marquante que la sélection est composée de joueurs non permanents, soldats d’active issus de tous horizons, unis par la même passion, dans les tribunes comme sur le terrain.

Dans les gradins du stade Pierre-Bouillot auxerrois, Renan, 9 ans, est concentré devant le match qui se déroule devant ses yeux. Avec son père, il a fait plus d’une heure de route ce jeudi 20 avril, pour assister à la finale du championnat de France militaire (CFM) de rugby à XV. Plus loin, Fabrice, lui aussi passionné depuis l’enfance, commente : « C’est un plaisir de revoir du “treillis” à Auxerre. En plus, ça joue bien».

La ville, plus connue pour l’AJA et Guy Roux, n’abrite plus de garnison depuis 2010. « Accueillir un tel évènement est un défi », assure le lieutenant-colonel Emmanuel Varlet, délégué militaire départemental de l’Yonne, qui s’est vu confier l’organisation du CFM par le Centre national des sports de la défense.

La veille, le stade accueillait 160 enfants entre six et onze ans, à l’occasion de la coupe du monde de rugby des centres de loisirs. Profitant d’une coïncidence de calendrier, le rugby club auxerrois a proposé d’associer les militaires à l’animation d’ateliers autour de ce sport.

En repos ce jour-là, 8 joueurs de chaque sélection ont ainsi coaché, arbitré et échangé avec le jeune public. Malgré un pronostic aléatoire de ce dernier sur l’issue du match, la semaine s’est soldée par la victoire de la sélection de l’armée de Terre, qui a remporté le titre pour la deuxième année consécutive.

Faire corps sur le terrain

La sélection comporte 23 joueurs mais le vivier du rugby club de l’armée de Terre (RCAT) compte jusqu’à 90 personnes au total. Opérations extérieures, stages ou encore gardes..., ces soldats issus de différentes unités, sont parfois indisponibles pour les entraînements ou les compétitions. « Nous avons besoin de ressources pour assurer une certaine stabilité à l’équipe »,souligne le sergent Benoît, manager sportif au RCAT.

Créer la cohésion dans un groupe dont les membres ne se retrouvent que ponctuellement, n’est pas évident. Mais les valeurs de combativité, de solidarité, de respect et de convivialité qu’ils portent en eux, communes à ce sport, rendent possible la performance. Un seul objectif : “Faire corps” sur le terrain pour décrocher la victoire.

Pour identifier les recrues les plus prometteuses, le RCAT organise des stages de détection. Le lundi 17 avril, une cinquantaine d’hommes et de femmes foulent les pelouses du centre national de rugby de Marcoussis, en Essonne.

Pendant 4 jours, ce temple du ballon ovale, habituellement fréquenté par les équipes de France de rugby à sept ou à XV, accueille des militaires venus de toute la France. Sapeurs, légionnaires, marsouins, pompiers de Paris ou encore forces spéciales, tous tentent d’intégrer le vivier des sélectionnés lors du CFM.

« Une vraie entraide »

Quand cela est possible, le “staff” du RCAT s’appuie sur des stagiaires “DEJEPS” (diplôme d’État de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport) pour la détection. Pour Alexandre Boucher, conseiller technique national de la Fédération française de rugby et coordinateur du “DEJEPS”, ces journées sont importantes : « Les stagiaires profitent de la disponibilité des joueurs pendant quatre jours pour structurer leurs entraînements. Ils s’essayent à d’autres postes, comme celui de manager ou d’analyste vidéo ». Un échange gagnant-gagnant.

Pour Christophe Raluy, l’un d’entre eux, le contact avec les militaires a tout de suite été facile. Au-delà de la qualité physique, de la technique individuelle et de la stratégie recherchée, il retrouve les valeurs fortes du rugby dans l’état d’esprit des Terriens. « Il y a une vraie entraide malgré l’hétérogénéité du groupe, de la discipline et une maîtrise des émotions. Fatigue ou non, chacun donne le meilleur », salue-t-il.

Parmi eux, Nicolas n’en est pas à sa première sélection. Inscrit en club et membre du club de rugby de son régiment, il l’assure : « C’est un honneur pour moi d’être ici. L’endroit est mythique. C’est une chance de bénéficier des infrastructures et de l’expérience des stagiaires ».

Le saviez-vous ?

L’armée de Terre a remporté pour la cinquième fois cette année, le championnat de France militaire de rugby (après 2003, 2004, 2005 et 2022).

Une athlète sous le drapeau

Après être passée par le Pôle espoir du Centre national des sports de la défense à Fontainebleau, Carolle Zahi intègre “l’armée de Champions” en 2019. Athlète de haut niveau, elle est la seule sprinteuse dans sa discipline. À 28 ans, celle qui aspire à participer aux Jeux olympiques de Paris 2024, revient sur son identité d’athlète et de militaire.

« Je me sens pleinement ambassadrice de la France et des Armées. J’ai intégré le bataillon de Joinville en 2019, après avoir commencé au Pôle Espoir du Centre national des sports de la Défense (CNSD) à Fontainebleau, à l’âge de 17 ans. C’est mon professeur d’éducation physique et sportive qui à l’époque m’a orientée vers une scolarité sports-études, quand mes parents ont déménagé en Île-de-France. Inscrite à l’UNSS à Toulouse, mes performances enregistrées dans ma discipline, le sprint “100 et 200 mètres”, m’ont permis de rejoindre le Pôle espoir.

Un défi, car je souhaitais me prouver que je pouvais mener à la fois mon projet sportif et mes études. J’ai découvert au CNSD un environnement nouveau, empreint de valeurs similaires à celles que je connaissais déjà, qui m’ont donné envie de rejoindre “l’armée de Champions”. En 2017, j’ai effectué les démarches auprès de la fédération française d’athlétisme pour pousser mon dossier au bataillon de Joinville, qui a été accepté deux ans plus tard.

Montrer l'exemple

Notre statut militaire nous différencie des autres athlètes. En tant que sportif de haut niveau de la défense, l’accompagnement est constant. Il va même au-delà du domaine sportif, puisque le CNSD propose une aide à la reconversion en fin de carrière. Une source de sérénité. Le côté humain m’a toujours marqué à l’armée. Pour preuve, lors de ma récente maternité, j’ai reçu de nombreux appels de personnes du centre, qui se préoccupaient de la mère que j’étais plutôt que de la sportive.

Cette fraternité se ressent aussi lors des rassemblements militaires qui se déroulent une fois par an en octobre. Avec l’ensemble des sportifs des différentes disciplines, nous nous retrouvons en treillis, autour d’activités qui nous sortent de notre zone de confort et nous poussent à nous dépasser ensemble.

Faire partie de l’armée de Champions est un honneur. Je me dois de montrer l’exemple au quotidien. Les jeunes du Pôle espoir de la fédération française d’athlétisme, me posent souvent des questions sur le dispositif. J’y réponds toujours avec plaisir. 2023 est une année charnière pour moi. Elle déterminera mon état de forme pour les Jeux Olympiques de Paris 2024, auxquels j’espère participer. Quelle qu’en soit l’issue, je compte arrêter ma carrière d’athlète à 30 ans et une reconversion dans l’armée est envisageable. »